mardi 19 avril 2011

Bonnes Pâques !

On ne se souhaite plus "bonnes Pâques" comme dans les temps de grande christianisation de la France. Ceux où, enfant puis adolescente chez les "bonnes soeurs", j'apprenais par coeur pendant le Carême l'interminable évangile de la Passion, découpé en dix épisodes, et devais le réciter à la Mère Supérieure... En guise de récompense ? Une poule en chocolat ? Un DVD de "La dernière tentation du Christ" ? Un billet d'entrée à l'exposition Chagall au musée du judaïsme à Paris ? Non, mieux que çà : une place, avec toutes les gagnantes du concours Passion, pour une représentation de "La Passion" jouée sur le parvis de la cathédrale d'Amiens... Comme au Moyen-Age ! Ca vous avait de la gueule, non ?
Foin de souvenirs !
Nous voilà Mardi Saint, comme on disait alors, et demain je pars pour vivre, tout de même, ces jours de recueillement en compagnie de quelques amis dans une abbaye bénédictine, "le plus ancien monastère d'Occident", celui où se retira saint Martin en... en 361. Ca aussi, çà vous a de la gueule !
Eh oui, les temps changent... Les familles disloquées ne se retrouvent plus pour jouer à cache-cache dans le jardin, au matin de pâques, pour découvrir les oeufs, les poules et les lapins en chocolat. Aujourd'hui, chacun s'en va de son côté : enfants et petits-enfants profitent des "vacances de printemps" (on ne dit plus "vacances de Pâques") pour aller courir la montagne, monter à cheval, jouer au tennis, profiter des dernières neiges.  Les programmes de télévision montreront les cérémonies pascales au Vatican, on dira que cette année la Pâque orthodoxe a lieu en même temps que la Pâque catholique. Et voilà !
Mon cadeau de moi à vous : où que vous soyez, offrez-vous ce plaisir rare de lire le dernier ouvrage de Sylvie Germain : "Le monde sans vous". Un petit bijou d'écriture, de délicatesse, d'érudition vraie, de sensibilité, de réflexion sur la mort de ses parents, l'une, celle de sa mère, récente, l'autre, celle de son père, plus ancienne. A l'occasion d'un voyage d'écrivains dans le Transsibérien, en 2010, Sylvie Germain l'écorchée vive, transmue la mort de ses parents, par la force des images et des mots, en véritable résurrection éternelle. Celle de la pensée, de l'esprit qui, lui, ne meurt jamais.

Nanette

samedi 16 avril 2011

Les petits bonheurs de l'Arche

Bientôt, dans quelques mois, ces terrains en friche donneront des fruits et des légumes. Les serres regorgeront de tomates, d'aubergines et de carottes. Les cerisiers, les pommiers et les pêchers, plantés en février dernier, croûleront sous les fruits.On y viendra pour partager de beaux moments d'amitié entre personnes handicapées et personnes non handicapées comme l'a voulu Jean Vanier en créant ses communautés de vie de l'Arche.Celle-ci, la nouvelle, monte à vue d'oeil sous le soleil printanier, porteuse d'espérance pour 44 personnes handicapées et leurs familles.
Mais avant d'en arriver là, il faut bêcher, biner, arracher, brûler, défricher, arroser. Il faut transpirer sous le soleil, se faire piquer par les orties, les ronces ; avaler des litres d'eau, se reposer sous les arbres...En prime, et comme en cadeau, on peut au détour d'une haie être envahi par le parfum d'une clématite, d'un lilas ou d'une glycine ; être surpris par le chant d'un oiseau. Ici, pas besoin de grands discours. Chacun se sent touché par cette oeuvre menée à bien ensemble. Tous attelés au même joug, celui du don, de la gratuité. Au pied du futur espace de maraîchage, la Garonne emporte tous ces petits bonheurs vécus par quelques dizaines d'amis de l'Arche, toujours prêts à donner de leur temps, de leurs bras et de leurs coeurs pour que vivent en ce lieu de paix 44 hommes et femmes que le destin a rendu fragiles plus que d'autres.

Nanette

mardi 12 avril 2011

Jeu de quilles

Et de trois ! Après Ben Ali en Tunisie, Moubarak en Egypte, c'est au tour de Laurent Gbagbo en Côte d'Ivoire de quitter le pouvoir ! Après des mois de massacres et de guerre civile. A qui le tour ? Kadhafi en Libye? Dur, dur... Bachar Al Assad en Syrie ? Saleh au Yemen ? Sans parler des gouvernements eux-mêmes qui sont fragilisés : au Maroc, à Bahrein, au Liban, en Iran. Le séisme qui secoue tout le Moyen et le Proche Orient fait exploser l'échelle de Richter ! Impossible de prognostiquer le nombre et l'importance des répliques futures ou la hauteur des vagues du tsunami à venir.
Tandis qu'au Japon où la terre tremble toujours, les experts ont relevé à 7 l'indice de gravité des perturbations survenues à la centrale nucléaire de Fukushima, les télévisions du monde entier diffusent en bouche les images de l'ex-dirigeant ivoirien complètement abasourdi, arrivant à l'hôtel du Golfe à Abidjan, première étape du calvaire à affronter pour lui maintenant. En tricot de peau, suant à grosses gouttes, changeant de chemisedevant les caméras , l'air totalement apeuré, Gbagbo renvoie aux images insoutenables de Saddam Hussein, extirpé du trou à rats où il se terrait depuis des semaines en Irak avant de finir au bout d'une corde, toujours devant les caméras... Indécence de notre monde...
Grondements et déchaînements  incontrôlables de la nature dans le Pacifique ; jeu de quilles et soulèvements populaires entraînant la chute inévitable des tyrans pour qu'éclose le printemps arabe au Moyen-Orient.
Bien malins ceux qui prétendent maîtriser le cours du monde...

Nanette

dimanche 10 avril 2011

Chemins de croix

Sylvie Germain, Bernard Ugeux.
 L'une est écrivain, poète, philosophe, couverte de lauriers littéraires, reconnue et respectée comme l'un des auteurs éminents de notre époque. L'autre est Père Blanc en Afrique, professeur de théologie et d'anthropologie, auteur de plusieurs ouvrages de spiritualité.
Chacun vient d'écrire un "Chemin de croix" à son image. Mais aussi tellement de notre temps qu'ils nous concernent tous les deux avec la même évidence.
Le Christ de Sylvie Germain, c'est ce "roi par malentendu... drapé de pourpre, paré de plaies et d'écorchures...le roi de honte et de toute-puissance" tandis que celui de Bernard Ugeux, prêtre à Bukavu dans la région des Grands Lacs, se trouve aux côtés des victimes massacrées au Rwanda, au Congo à qui "on ordonne de creuser la fosse au bord de laquelle elles seront abattues". Comment consoler les femmes de Jérusalem pleurant sur le passage de Jésus montant au Calvaire ? "Il plaint ces femmes dont l'espérance est toute embuée de larmes, écrit Sylvie Germain, ses soeurs humaines spoliées de leur vraie dignité, il sait que leur souci de la vie dont elles connaissent le prix dans leur chair et leur coeur, que leur profonde plainte et leur appel lancinant au déploiement d'une fraternité étendue à toute la famille humaine ne sont pas plus écoutés que l'infime rumeur d'un choeur de grillons..." Bernard Ugeux honore lui aussi le courage des femmes du monde entier : "En consolant ces femmes, écrit-il, tu veux consoler toutes les mères du monde qui pleurent sur leurs enfants ou se mobilisent pour le respect des droits humains et pour la justice. On se souvient encore des Mères de la Place de mai en Argentine, toujours actives... En les consolant, tu invites ces femmes à la vigilance".
Ecriture flamboyante, inspirée, mystique, toute en intériorité chez Sylvie Germain. Chemin de compassion et d'accompagnement des plus fragiles chez Bernard Ugeux, ces deux "chemins de croix" entrent en résonance et se répondent par-delà les frontières pour déposer un baume salvateur sur nos coeurs chavirés.

Nanette

Sylvie Germain est publiée chez Bayard, Bernard Ugeux chez Salvator.

mardi 5 avril 2011

Douceur percheronne

Une longue et belle amitié m'a permis de découvrir, il y a quelques jours, un petit bout de province trop peu connu : le Perche. Terre d'Histoire, de Belles Lettres, d'amitiés raffinées et discrètes. Rencontres improbables et pourtant réelles...
A La Ferté-Vidame, bourgade de 800 habitants, majoritairement des Parisiens "secondaires" et des lettrés ayant posé leur sac -et parfois leur fardeau- dans ce pays verdoyant et paisible, le duc de Saint-Simon écrivit les 4 000 pages de ses Mémoires qui firent trembler le monde politique du XVIIIè siècle au point qu'elles ne furent intégralement publiées que bien longtemps après sa mort...
Un jour qu'il venait au château de La Ferté-Vidame pour cause de festival littéraire, Michel Jobert se prit d'un amour soudain et irrépressible pour la petite chapelle de Reveillon, toute proche du bourg, à tel point qu'il demandât d'être enterré dans le petit cimetière qui entoure cette chapelle. Personne n'y avait été enterré depuis des lustres. Pourquoi donc l'ancien Ministre des Affaires Etrangères de Georges Pompidou, né au Maroc et marié à une Américaine, a-t-il tant voulu reposer à jamais au coeur de cette douceur percheronne, loin de tous les siens et loin des fastes de la République ? Le mémorialiste et  le ministre étaient, l'un et l'autre, de petite taille et sans doute en ont-ils souffert en silence. L'un et l'autre, doués d'une intelligence fulgurante et d'une lucidité terrible, ont compris bien plus qu'ils ne pouvaient en laisser paraître. Plutôt éminences grises que matamores batifolant aux premières loges, ils surent conseiller les princes qui nous gouvernent et garder leurs jardins secrets. Une communion de pensée les réunit au-delà des apparences.
Après avoir bataillé pour obtenir l'autorisation d'être enterré avec sa femme sur la commune de la Ferté-Vidame, dans ce charmant petit cimetière aux senteurs printanières, Michel Jobert y repose depuis 2002, son épouse l'ayant précédé en 1999.
Du Bellay a chanté "la douceur angevine". Michel Jobert, lui, en choisissant ce petit coin de paradis pour dernière demeure, a inventé à son insu "la douceur percheronne".