lundi 25 février 2013

Emmanuelle Riva, dans la douce pénombre...

Les jurés hollywoodiens lui ont préféré une toute jeunette de 22 ans, Jennifer Lawrence. Notre si belle et divine Emmanuelle Riva n'ajoutera donc pas à ses trophées la statuette d'or si enviée des Oscars. Au fond, c'est peut-être cela, son véritable cadeau d'anniversaire, celui de ses 86 ans fêté parmi tant d'amis à Hollywood.
Comblée d'honneurs et de récompenses, la merveilleuse vieille dame de "Amour" disait son inquiétude de tant de sollicitations médiatiques. Il fallait la voir, débarquer mutine et rieuse en fauteuil roulant à l'aéroport de Los Angeles dimanche à l'aube après douze heures de vol et l'écrasante fatigue de la nuit des Césars, à Paris la veille, où elle fut acclamée par toute la salle debout, heureuse de voir couronnée cette actrice et cette personne exceptionnelle. Au premier rang des invités, Kevin Kosner qui recevait, lui, un César d'honneur pour l'ensemble de sa carrière, fermait les yeux pour mieux savourer les si douces paroles prononcées par Emmanuelle Riva accueillant son trophée avec tant de simplicité et de tendresse à l'adresse de toute l'équipe du film : "Je ne peux vivre que dans le partage" dit-elle tandis que, quelques jours plus tôt, elle confiait au journal "La Croix" : Ce partage me rend folle de joie depuis toute petite. Ne pas être enfermée seulement dans son écorce d'être".
Voilà toute la différence...
Peut-être l'ultime élégance d'Emmanuelle Riva aura-t-elle été d'assister au triomphe de "Amour", Oscar du meilleur film étranger mais de ne pas accéder à la lumière trop crue des projecteurs harcelant la récipiendaire de l'Oscar de la meilleure actrice.
La douce pénombre lui va si bien !

Nanette

lundi 18 février 2013

Tunisie : faire confiance

Face aux turbulences qui secouent la Tunisie, si fortement depuis quelques semaines, quelle attitude adopter, nous Français de France, bien au chaud dans ce pays en paix, doté de fortes institutions séculaires qui nous autorisent  de grands débordements verbaux sans risque majeur, ni pour notre sécurité, ni plus encore pour notre vie ?
Surtout, ne pas céder aux oiseaux de mauvais augures qui pullulent sur les ondes et dans les journaux qui font comme si un pays maghrébin, aussi civilisé et aguerri à la démocratie que la Tunisie, avait sombré dans le fanatisme islamiste par le truchement du parti Ennadha. Certes, ce parti compte en son sein des députés aux convictions plus ou moins démocratiques, voire islamiques pures et dures mais il ne faut jamais oublier que l'islam est consubstantiel à la vie des pays maghrébins et qu'il fait partie intégrante de la constitution.
Alors oui, nous pouvons être préoccupés -le mot est faible- par l'évolution actuelle de la vie politique tunisienne. Mais la bonne attitude à adopter me semble de plus en plus être la confiance. Confiance dans les personnes ayant accepté des postes à haute responsabilité comme mon amie Merhézia Labidi, vice-présidente de l'Assemblée Constituante qui poursuit sa tâche avec courage et intelligence auprès de la jeunesse tunisienne avide de renouveau mais tellement démunie matériellement. Actuellement, les députés travaillent sur le brouillon de la future constitution mot par mot, les démocrates ayant à coeur d'y introduire les notions inaliénables de démocratie, d'égalité, de liberté. Tâche rude qui demande du temps, de la négociation, de l'intelligence. Les manifestations publiques, relayées avec gourmandise par des chaînes de télévision friandes de sensationnel, laissent croire que le pays est à feu et à sang et que la France est devenue l'ennemi de la révolution. On a brûlé un drapeau français à Tunis, on a hurlé devant les caméras : "Dégage, la France !" et le ministre de l'Intérieur Manuel Valls a qualifié le parti Ennadha de "fasciste", ce qui a consterné les démocrates du parti. Les hommes politiques au pouvoir tentent de trouver des solutions pour former un nouveau gouvernement, pour organiser des élections fiables, pour enfin faire redémarrer l'économie, source de tous les maux. Mais des forces obscures, liées à la fois au passé et à la finance internationale minent trop souvent les bonnes intentions.
Que penser, comment réagir face à ces turbulences ? Attendre, attendre encore et laisser les Tunisiens s'entendre entre eux, avec courage et confiance dans leur peuple. N'oublions jamais qu'il nous a fallu au moins 2 siècles et des milliers de morts pour faire advenir notre révolution...

Nanette

mardi 12 février 2013

Bientôt un pape québécois ?

Vingt-quatre heures à peine après que Benoït XVI eut annoncé sa renonciation à la fonction papale, les députés français votent à une forte majorité en faveur du mariage homosexuel... Encore un coup d'épée dans le coeur déjà si fragile du pape. Il était décidément grand temps qu'il prenne la décision de se retirer pour ne pas terminer sa vie totalement déprimé devant les transformations du monde...
On parle beaucoup, depuis hier, de trois cardinaux papabili dont Marc Ouellet, cardinal québécois de 68 ans, très proche du pape actuel. D'ailleurs depuis 2010 le cardinal Ouellet a intégré la Curie romaine ; il est à la fois préfet de la toute puissante congrégation des évêques et président de la commission pontificale pour l'Amérique latine, qu'il connaît bien puisqu'il vécut deux ans en Colombie.De plus, il parle une demi-douzaine de langues !
En observant de plus près son parcours, on ne peut que deviner que, s'il était élu pape, le cardinal Ouellet n'ouvrirait sans doute pas toutes grandes les portes vaticanes à la modernité. Certes, en 2007 il adressa une lettre ouverte aux Québécois pour leur demander pardon pour les erreurs commises par l'Eglise du Québec avant 1960, date à laquelle la "révolution tranquille" balaya radicalement la très forte influence de l'Eglise dans la Belle Province ; en juin 2012 encore, en Irlande, il demanda pardon au nom du pape pour les abus sexuels commis par les prêtres sur les enfants pendant des décennies... Mais cette attitude de repentance ne doit pas cacher d'autres prises de position beaucoup moins "libérales".
L'histoire du Québec doit énormément à l'Eglise catholique ; ce sont des prêtres et des religieuses, notamment français, qui ont fait le Québec actuel dès le 17è siècle, transformant ce merveilleux territoire en un pays structuré, doté d'institutions solides et d'une population éduquée. Mais la toute puissance de l'Eglise finit par étouffer les Québécois qui, dans les années 60, jetèrent par dessus les moulins prêtres, religieuses, mariages, sacrements et toute l'institution ecclésiale. Ce n'est qu'en 1965 que le Québec se dota d'un ministère de l'Education. Auparavant, seules les congrégations religieuses éduquaient les petits Québécois...
Aujourd'hui, après 50 ans de désert, le Québec connaît un début de renouveau de l'Eglise catholique, surtout grâce aux immigrants venus de Pologne ou d'autres pays de tradition catholique. Mais les "pures laines" ne s'embarrassent plus de dogmes ou de vie paroissiale. Tout au plus assiste-t-on à des offices très suivis à l'Oratoire de Montréal où l'on vénère le frère André, un  homme pieux et simple qui vécut là et que Benoït XVI a canonisé récemment. La ferveur populaire en a fait une sorte de Padre Pio québécois.
On constate également que le renouveau charismatique se fraye un chemin jusque sur le Plateau, le quartier le plus branché de Montréal ; les fraternités de Jérusalem s'y sont installées et attirent de jeunes catholiques très pratiquants. L'Opus Dei est bien installé également à Montréal et ses prêtres ne chôment pas...
Dans ce contexte de renouveau d'un catholicisme bien "délabré" -selon le mot d'un jésuite français de renom- le cardinal Ouellet trouve tout naturellement une place de leader représentatif d'une certaine vision conservatrice de la religion. Très opposé à l'avortement, légal au Québec, il s'est fait de solides ennemies parmi les féministes qui ne l'ont guère ménagé, lui et l'ensemble de l'institution, pendant le congrès eucharistique qui s'est tenu à Québec en juin 2008 !
Alors faut-il se réjouir de voir peut-être monter Marc Ouellet sur le trône de Pierre à l'issue du prochain conclave ? Ce serait sans doute une victoire pour l'Occident conservateur mais certainement pas pour l'Eglise universelle dont 70 % de ses fidèles vivent dans l'hémisphère sud... Un cardinal philippin ou africain
donnerait un autre souffle à cette institution figée dans le passé.

Nanette

lundi 11 février 2013

Non habemus papam

Visionnaire, ce Nanni Moretti ! Quand il avait imaginé dans son film "Habemus papam" qu'un jour un cardinal puisse refuser la charge monstrueusement lourde de successeur de Pierre et qu'il préfèrerait tourner le dos aux ors vaticanesques, il n'avait sans doute pas pensé que son histoire deviendrait presque vraie quelques mois plus tard...
En annonçant sa démission, Benoît XVI emboîte le pas au cinéaste italien : il ose faire preuve d'une totale liberté de conscience, montrer à la face du monde qu'il demeure un homme libre et moderne, qui sait vivre avec l'évolution de son temps et qu'il s'applique la règle générale qui veut qu'un cardinal prenne sa retraite à 80 ans.
Chapeau, l'artiste !
Artiste, Benoït XVI l'est véritablement ; non seulement c'est un pianiste exceptionnel qui chaque jour se met au clavier dans ses appartements privés mais depuis le début de son pontificat il s'est attaqué aux sujets qui fâchent et qu'aucun pape avant lui n'avait osé aborder : la pédophilie chez les prêtres, les Légionnaires du Christ, et tant d'autres sujets tabous qui ont miné depuis des décennies la confiance que les catholiques pouvaient avoir envers l'institution Eglise. Certes, il n'aura pas galvanisé les foules comme Jean-Paul II mais il aura travaillé la pâte humaine dans sa profondeur spirituelle par ses écrits, ses discours, ses attitudes de grande intériorité et d'insondable humilité. On gardera de lui une empreinte plus personnelle, on se souviendra de quelques phrases de son admirable encyclique "Deus est caritas" qui aideront à se tenir droit dans des circonstances de la vie difficiles à surmonter. En cela, Benoït deviendra un grand pape, un grand homme. Un de ceux qui marquent au fer rouge la vie entière.
Dans l'Histoire, sans doute Benoît XVI restera-t-il comme celui qui n'a pas hésité à démissionner et à vivre en cohérence avec lui-même. On n'avait pas vu cela depuis 600 ans...
Alors "non habemus papam" à partir du 28 février, jour de la fête du renoncement. Joli clin d'oeil ! Décidément, salut l'artiste ! Même Nanni Moretti n'aurait pas osé un tel pied de nez à la face du monde... Là, ce n'est plus du cinéma.

Nanette