lundi 29 avril 2013

TUNISIE (suite): la maturation d'un peuple

Voilà ce que c'est, le progrès !
Ne maîtrisant pas mon nouvel ordinateur, j'ai malencontreusement appuyé sur "publier" plus tôt que prévu...
Mille excuses...

Donc le président Marzouki a fait une analyse très lucide de la situation de son pays, en ce 12 avril à Paris : de la nécessité du "bricolage" en démocratie, de la mise en place d'une démocratie à la fois sociale et consensuelle pour permettre à la fois au pays de sortir de l'effroyable crise économique dans laquelle il a plongé et de la crise politique mettant dos à dos modernistes et traditionnalistes, les uns et les autres indispensables au pays. Les élections ne peuvent se faire qu'au scrutin proportionnel étant donné les mentalités : "Vous imaginez un scrutin majoritaire comme en France, a dit le Président : si les salafistes remportaient 51% des voix et les modernistes 49%, les seconds n'accepteraient pas les résultats et si les modernistes remportaient 51%, les salafistes n'accepteraient pas ! Donc nous sommes condamnés au scrutin proportionnel".
 Et le président de rappeler que 2,5 millions de Tunisiens vivent sous le seuil de pauvreté : "Nous risquons une deuxième révolution et celle-ci ne sera pas pacifique, a dit le Président ; si on y arrive, on sortira notre barque des tempêtes. Aucun bloc n'acceptera d'être des citoyens de seconde zone. Donc soit on adopte une démarche consensuelle, soit on s'achemine vers une guerre civile larvée". Convaincu qu'au sein d'Ennadha il existe des musulmans démocrates qui "mènent la barque", au sens de la démocratie chrétienne italienne, M. Marzouki milite pour le développement des Droits de l'Homme, fondement de sa démarche personnelle depuis des décennies : "Je veux la liberté de conscience dans mon pays, assène-t-il, la liberté d'expression, d'association, d'habillement...On peut être fier de ce que la transition tunisienne ait été la moins coûteuse en vies humaines dans le monde arabe, et la plus rapide". Et de terminer par ces propos : Réfléchissons hors de la doxa et des idéologies et nous pourrons enfin accéder au statut de peuple mature".
Beau programme, riche d'espérance.

Un mois plus tôt, le 13 mars exactement, sur les marches du théâtre municipal de Tunis, un jeune homme de 27 ans, Adel Kharzi, s'immolait par le feu, comme Mohamed Bouazizi deux ans plus tôt, celui-là même par qui est arrivée la Révolution du jasmin... Une révolution en laquelle Adel avait mis toute son espérance et qui, au fil des mois, lui apparut de plus en plus lointaine, inaccessible.
Alors, malade, désespéré, sans qu'aucune lumière, aussi infime soit-elle, ne vienne éclairer son horizon, Adel a choisi la seule issue qui lui paraissait possible : la mort. Comme tant d'autres comme lui, en Tunisie et ailleurs dans le monde.

Le chemin sera long encore avant de devenir le "peuple mature" rêvé par le Président Marzouki mais c'est le lot de toutes les révolutions.

Nanette

TUNISIE :

Essayer de faire le point sur ce qui se passe en Tunisie après avoir reçu tant d'informations, ces derniers temps.
Tenter non pas de comprendre, ce serait bien présomptueux, mais au moins de deviner, d'espérer ce que pourraient être les mois et les années à venir dans ce pays si attachant à la lumière des derniers événements.
Ce qui a fâché d'abord, peut-être à tort (le risque toujours présent de céder à la paranoïa !) : le 16 février dernier, le journal "Le Monde" publie dans le cadre de la semaine contre l'illéttrisme le témoignage d'une certaine Meherzia, 53 ans qui "a gravi tous les échelons sans jamais apprendre à lire et à écrire". On présente cette Française d'origine tunisienne totalement analphabète, qui réussit à se faire embaucher comme caissière dans un supermarché à Paris après avoir quitté un mari violent qu'elle connaissait à peine puis grâce à son habileté devient chef de rayon, l'équivalent d'un poste à bac + 4 etc. Bref, tous les poncifes bien connus sont utilisés dans cet article pour faire l'apologie de la débrouille et de l'apparence. Un journal tunisien hostile au parti Ennadha, "Le Maghreb", a repris cet article du Monde, dans son édition du 15 mars, en y ajoutant le nom de famille Labidi, laissant croire que la Meherzia analphabète du "Monde" ne serait autre que Meherzia Labidi, vice-présidente de l'Assemblée Constituante, membre du parti Ennadha et quatrième personnalité dans la hiérarchie du paysage politique tunisien.
Les réseaux sociaux, tunisiens prioritairement, ont sauté sur l'occasion pour enfoncer le clou et entretenir la confusion... Certes, en politique tous les coups sont permis, on le constate tous les jours mais les proches de Mme Labidi ont réagi en rappelant son palmarès universitaire : DEA de Littérature et Civilisation des pays celtiques, DEA d'études théâtrales, Master en traduction économique et juridique de l'ESIT-Sorbonne (trilingue). De quoi clouer le bec à ses détracteurs... De plus, sa remarquable capacité de médiatrice lui vient de ses nombreuses années consacrées au dialogue interreligieux au sein de l'ONG reconnue par l'ONU "Conférence Mondiale des Religions pour la Paix" qui lui ont valu de parcourir le monde en tant qu'ambassadrice de la paix. Preuve vivante qu'il est possible de concilier islam et modernité, religion et féminisme et pourquoi pas "francité" et "tunicité", Meherzia Labidi agace et fait peur parce qu'elle casse bien des images fausses que certains ont tout intérêt à développer et à propager. Par les réseaux sociaux entre autres.
Heureusement, le 12 avril dernier, à l'Institut du Monde Arabe à Paris, le président de la République tunisienne, Moncef Marzouki donnait une conférence à l'occasion de la sortie d'un livre consacré à la démocratie tunisienne en marche, "L'invention  de la démocratie" (Edition de La Découverte). Ce fut l'occasion d'entendre une parole sans intermédiaire, en live.
Que d'intelligence et d'espoir dans ses propos !

dimanche 21 avril 2013

Le secret de la famille Moulin-Fournier

Belle leçon de dignité, de courage et de discrétion que celle donnée par la famille Moulin-Fournier, enfin  extirpée de l'enfer en ce vendredi 19 avril. Albane, magnifique mère-courage, Tanguy, ce père plein de force morale, Cyril, son frère embarqué bien malgré lui dans cette terrible aventure et les quatre jeunes garçons du couple dont, bien heureusement, nous ne verrons jamais les visages ni n'entendrons la voix, ont occupé nos écrans une bonne partie du week-end, perdus parmi la foule des manif-pour-tous, manif gay, attentat de Boston, marathon de Londres,  finale de tennis perdue par Nadal et coupe de la Ligue de foot gagnée par St-Etienne après 32 ans d'échec...
Que d'émotions !
Mais la plus belle, la plus profonde, la plus remplie de joie de toutes ces informations, c'est bien sûr l'arrivée de cette magnifique famille Moulin-Fournier à Orly, rentrant en France après deux mois de captivité au Nigeria à la suite d' un enlèvement crapuleux. Toute la famille réunie sur le tapis rouge,autour du Président de la République, de sa compagne et du ministre des Affaires Etrangères, à la descente d'avion, à Orly, a fait preuve d'une réserve, d'une émotion contenue plus impressionnante que n'importe quel discours.
On devinait bien quelles épreuves les adultes et les enfants avaient du endurer pendant ces deux mois. Mais comment ne pas ressentir la beauté morale de ce couple, interviewé au journal télévisé de France 2 le soir même de leur délivrance lorsqu'ils racontèrent, le visage radieux, ce que fut leur quotidien ? "Les enfants ont très bien résisté, dit Albane, la mère ; ils n'ont pas pleuré, n'ont pas fait de cauchemar. Nous avions pu emporter trois livres : les fables de La Fontaine, "La chèvre de M. Seguin" et un livre sur les jeux olympiques de la Grèce antique". C'est exactement ce qu'il fallait pour que ces enfants gardent leurs repères culturels, moraux, pour que le socle familial ne cède pas. "Nous avons continué des rituels, expliqua Cyril, l'oncle ; la préparation du petit déjeuner, ranger nos affaires, faire la toilette, bien sûr avec le peu que nous avions. Il fallait avoir du rythme". Quelle leçon éducative ! Mais surtout la famille n'a jamais été séparée ; ils ont continué à vivre, à jouer, à dormir, à s'aimer comme d'habitude.
Alors que la France n'en finit pas de se battre et de faire monter les extrêmes avec le mariage homosexuel et ses appendices, la famille Moulin-Fournier vient nous dire la beauté d'une relation toute simple, bâtie sur l'amour, la tendresse et la force spirituelle. Albane a remercié tous ceux, de toutes religions, qui avaient prié pour eux dans le monde. Jamais ils n'ont perdu confiance, c'est là leur secret.Et le pédopsychiatre Marcel Ruffo dit simplement pourquoi tout se passera bien, malgré les traumatismes vécus : "Grâce à la force du père, la famille est soudée ; il dit à ses enfants "je suis le maître de votre destinée". Ils peuvent retourner au Cameroun sans dommage. Merveille de père...

Nanette

samedi 6 avril 2013

Président furtif

Images calamiteuses, en cette mi-journée de samedi aux Journaux télévisés : François Hollande, le "président normal", en déplacement dans sa bonne ville de Tulle dont il fut maire pendant une vingtaine d'années et qui a voté à 75 % pour lui en mai dernier, se planque comme un voleur pour ne pas affronter quelques dizaines de manifestants opposants au "mariage pour tous" massés devant les grilles fermées de la préfecture... Pour leur échapper, il est passé par une porte dérobée, à l'arrière du bâtiment et ne rencontrera pas un seul citoyen hors les murs de la préfecture... Tristesse !
Pendant les quatre petites heures que durera son déplacement en province, il remettra six médailles à des habitants du lieu mais restera bien à l'abri derrière les fenêtres officielles.
Les journalistes  ne lui font pas de cadeau : récits et images de ce méchant épisode feront plus de dégâts dans l'opinion que les hésitations et les approximations verbales du président de la République pris dans l'engrenage de l'affaire Cahuzac.
Me revient en mémoire l'attitude du général De Gaulle, au lendemain de la libération de Paris en août 1944 : alors qu'un Te Deum d'action de grâces retentissait dans la cathédrale Notre-Dame, le général au premier rang de l'assistance, on entendit des coups de feu tirés en cascade et l'on vit des centaines de personnes se réfugier sous leurs chaises pour se protéger. Un seul, du haut de ses deux mètres, demeura debout, impassible face au danger : le général De Gaulle...
Ne nous laissons pas emporter par la déception qui nous ferait devenir cruelle en comparant quelques excités portant des banderoles devenues dérisoires et un peuple survivant à cinq ans d'une guerre ayant causé la mort de millions d'êtres humains.

Nanette

vendredi 5 avril 2013

Verts pâturages

Rafraîchissantes collines gersoises dans ce tumulte politico-médiatique qui empoisonne ce printemps qui n'en finit pas d'arriver... Dans la noirceur des "affaires" propres à nous démoraliser pour longtemps, vagabonder au coeur des pâturages verdoyants a enfin la vertu d'éclairer notre horizon !
Oui, qu'il est bon d'admirer ces verts aux multiples variantes : vert profond des blés, vert tendre des jachères déjà parsemées de fleurs, verts camaïeus s'étendant à perte de vue sur les flancs des collines mordorées se partageant le territoire avec les labours moirés en attente des prochaines semailles.
Qu'il est doux de se réconcilier avec la terre qui ne ment pas, elle, de s'émerveiller des splendeurs de ces pâturages soyeux semblables à de vastes tapis aux couleurs franches et toniques. Point de dissimulation, de tricheries, d'adoration de ce veau d'or éternel, l'argent, le fric, le flous, le pognon, le pèze qui fait tourner les têtes les plus pleines. Douceur de ces vallons gonflés d'oxygène, loin de toute pollution industrielle où le cerveau trouve sa nourriture régénérante, où le coeur ne vacille pas entre deux médiocrités, où l'esprit retrouve son équilibre...
Verts pâturages de cette belle France tellement malmenée par des oiseaux de mauvais augure qui ne cessent de l'entraîner vers les abysses.
Ressourçons-nous dans ces verts pâturages à la splendide simplicité qui s'offrent à nous en toute candeur.
"Beauté du monde et souffrance des hommes" écrivait François Varillon, ce grand jésuite qui compta tellement dans la vie spirituelle des croyants, dans les années 70-80.
Admirons le monde et la souffrance de l'homme s'atténuera.

Nanette