mardi 17 septembre 2013

Maudit Noël !

L'automne n'est pas encore là mais, déjà, dans les esprits, nombreux sommes-nous à penser à Noël. Pas aux vacances, non ! Nous en sortons à peine. Et il y a celles de la Toussaint qui déjà pointent le bout de leur nez.
Ce que j'entends ici et là, surtout chez mes amies de ma génération, c'est une sorte de souffrance très discrète, tue le plus souvent, mais enkystée dans le cœur : "Et toi, que vas-tu faire à Noël ?" Que de tristesse derrière cette interrogation apparemment anodine ! Que de désillusions élégamment cachées derrière un bel esprit d'indépendance qui en bluffe plus d'un !
Amies de cœur, sœurs choisies pour votre courage et votre capacité à dissimuler vos larmes, comme je vous comprends et vous aime ! Déjà on parle autour de nous de réunion de famille dans la belle propriété de campagne, toutes générations rassemblées ; à l'étage des enfants, on découvre que les uns partent à Cuba, d'autres aux Canaries ou aux îles du Cap Vert ; les billets sont pris depuis longtemps pour peser moins lourds sur les finances. D'autres encore ont retenu un gite dans une station de ski où ils retrouveront une bande d'amis.
On nous en a averti à temps pour qu'on puisse "prendre nos dispositions"...
Alors, puisqu'on sait, pourquoi ce gros pincement au cœur qui, jusqu'à Noël, ne nous quittera plus ?
La réponse est très simple : Noël, c'est avant tout LA fête de notre enfance. La petite enfance, celle qui compte dans les souvenirs. Celle qui va jusqu'à l'adolescence. Parce qu'après, ce n'est plus pareil. Les parents ont perdu cet aura qui nous émerveillait. Souvent, ce sont même devenus des ennemis, éphémères certes, mais sacrément encombrants.
Mes Noëls à moi, c'est tout bête : c'est, bien encapuchonnée,  les 2 kms à pied sur la route enneigée qui nous conduisait à l'église de notre village de Normandie pour entendre chanter "Minuit chrétien" et "Il est né, le divin enfant" puis le retour dans notre grande maison froide, sans chauffage ni eau courante. C'est ensuite le chocolat chaud dans lequel nous trempions les tranches de cramique, ce gros gâteau du Nord confectionné chaque Noël par Maman et que tous, les 5 enfants et les parents, nous dégustions avec la même gourmandise qu'un foie gras arrosé de Sauternes...Après ce réveillon inoubliable, nous allions nous coucher après que Papa eut bassiné chacun de nos lits.
 C'est encore les cadeaux ! Parlons-en de ceux-là. Chacun raconte ses souvenirs d'orange entourée d'un bolduc ou d'un crayon de couleur transfiguré en stylo Mont-Blanc tout en or...
Oui, nous avons connu ces temps d'après-guerre mais nous ne savions pas que nous vivions chichement. Et personne ne me fera oublier la grande joie des parents au matin de Noël où chacun de nous, les enfants, se mettait à quatre pattes devant la porte ouverte du poêle à bois en criant de toutes nos forces : "Merci, Père Noël !"
Oui, je sais, chacun peut raconter de tels souvenirs.
Mais à qui les raconter quand les familles s'éparpillent aux quatre coins de la planète, quand il faut se partager entre les familles décomposées-recomposées, les vraies belles-mères et les fausses grand'mères ?
Maudit Noël, diraient les Québécois comme ils disent "maudits Français" à nos compatriotes trop arrogants.
Maudit Noël pour toutes celles qui devront, encore une fois, faire preuve de courage et garder la tête haute pour ne pas pleurer.

Nanette