mardi 28 octobre 2014

TUNISIE : vox populi, vox Dei

Les urnes ont parlé. Et bien parlé, en dépit des apparences pour certains.
Nous ne connaissons pas encore les résultats définitifs de ces premières élections législatives en Tunisie mais déjà nous connaissons l'essentiel : le nouveau parti Nidaa Tounes, créé en 2012, arrive en tête des suffrages et emporte quelque 80 sièges au Parlement tandis que le parti islamiste Ennadha est 2è et devrait avoir huit sièges de moins que Nidaa Tounes. Ce qui n'est tout de même pas synonyme de bérézina !
Lors des élections de 2011, Ennadha avait emporté 89 sièges sur 217 ; un record ! Et les partis laïcs, de gauche et d'extrême-gauche s'étaient perdus dans un émiettement fatal. Faute d'avoir su s'entendre, ils ont laissé le champ libre aux islamistes d'Ennadha, beaucoup mieux organisés, structurés en véritable parti politique fort de ses 34% de votants aux premières élections.
Aujourd'hui, les partis d'extrême-gauche et du centre sont laminés.
 Les membres d'Ennadha ont beaucoup appris pendant ces trois années et leur chef charismatique Rached Ghannouchi, a fait preuve d'une grande intelligence politique en se débarrassant des encombrants salafistes qui voulaient imposer la charia dans la constitution, en laissant le pouvoir en cours de mandat aux autres partis et aux technocrates -alors que la situation économique devenait chaque jour plus catastrophique !- et, hier, en allant féliciter son adversaire vainqueur, l'inaltérable BCE, Béji Caïd Esselbi qui, à 88 ans, a toutes les chances de devenir le nouveau président de la République, début décembre... Ce BCE, les électeurs l'ont plébiscité comme le seul homme politique véritablement fort du pays. Successivement ministre de l'Intérieur, de la Défense et des Affaires Etrangères sous l'ère Bourguiba, il a été député sous Ben Ali, président de l'Assemblée puis Premier Ministre intérimaire au début de la révolution du jasmin. Qui dit mieux pour reprendre les rênes du pouvoir pendant cette période délicate qui s'ouvre aujourd'hui ? Il va falloir "inventer le post-islamisme" comme l'écrit Luc de Barochez dans "L'Opinion" de ce jour, "montrer la voie aux autres pays arabes, du moins la voie de la liberté et de la modération" comme le dit Philippe Gélie dans "Le Figaro", savoir faire redémarrer l'économie avec l'aide et le soutien de la société civile tunisienne, "la plus éclairée du monde arabe". Et conserver l'islam, la religion du pays inscrite dans la Constitution, a la place qu'elle doit avoir dans la vie des Tunisiens. Ni plus ni moins.
Les députés d'Ennadha, du moins ceux qui ont été réélus (comme notre chère Mérhézia Labidi, maintenant députée de Nabeul) ou qui viennent de l'être (comme notre amie Sayida, jeune doctorante en sociologie à la Sorbonne, élue des Tunisiens de France nord), une fois leur déception passée, pourront prendre toute leur place dans la vie parlementaire tunisienne et y faire entendre leur voix, à la fois démocratique, féministe, éclairée, compétente, forgée par l'expérience et le courage.
La politique est l'art du compromis, c'est bien connu ! Le chemin est long et caillouteux, pour ne pas dire semé parfois de monstrueux rochers qu'il faut apprendre à contourner.
Mais aussi n'oublions pas l'adage : vox populi, vox Dei !
La Tunisie nous donne aujourd'hui une belle leçon de maturité politique.
 Goûtons notre plaisir... si rare en ces temps barbares !

Nanette

mercredi 1 octobre 2014

Vagabondage autour de mon lit

Encore un anniversaire : voilà 4 ans aujourd'hui que j'ai lancé tous azimuts planétaires (!) ce petit blog sans prétention, vecteur innocent de mes humeurs...
C'est rigolo, parfois excitant, parfois intimidant, le plus souvent une drôle de mise en bouche d'une nouvelle journée.
En guise de cadeau d'anniversaire, j'offre à mon "petit blog" un florilège de citations attrapées au vol au milieu des livres qui, actuellement, s'entassent autour de mon lit.

Des auteurs qui, souvent, m'accompagnent depuis des années :
- "Le fondement de la capacité d'être seul est l'expérience vécue d'être seul en présence de quelqu'un" ; "l'enfant qui n'a pas acquis la capacité d'être seul est toujours dans un état d'immaturité et de dépendance ou de réactions face aux empiètements de l'environnement". Du génial psychanalyste britannique Donald W. Winnicott dans un article publié en 1958.
- "Le prêtre et l'imam" offrant un dialogue sans fard, vif et profond entre Tareq Oubrou, imam de la mosquée de Bordeaux et le Père Christophe Roucou, responsable du Service national pour les Relations avec l'Islam (SRI), publié chez Bayard : un entretien à lire absolument en ces temps de paranoïa généralisée où il est si difficile de garder bon sens et équilibre au milieu du flot d'informations déversées en continu dans la plupart des medias ! Un livre efficace et vigoureux pour qui veut bien ne pas céder au chant des sirènes du malheur et de la barbarie.
- Dans la même veine, mais totalement laïc : lire et relire le petit essai d'Edwy Plenel, "Pour les musulmans", à La Découverte. Le co-fondateur du site Mediapart défend d'une superbe plume "nos compatriotes d'origine, de culture ou de croyance musulmanes contre ceux qui les érigent en boucs émissaires de nos inquiétudes et de nos incertitudes", s'en prenant au premier chef à l'académicien Alain Finkielkraut affirmant un matin de juin 2014 sur les ondes de France Inter : "Il y a un problème de l'islam en France". Du "J'accuse" de Zola défendant le capitaine Dreyfus à "Toutes les civilisations ne se valent pas" de Claude Guéant alors ministre de l'Intérieur au printemps 2012 auquel répondit Serge Letchimy, député de la Martinique, qu'il s'agissait là d'une "injure faite à l'homme", Edwy Plenel argumente solidement sa pensée pour conclure en souhaitant que chacun s'attelle à la tâche de préserver "ce monde commun qu'il nous revient de construire tous ensemble, et non pas de détruire en sombrant dans la guerre de tous contre tous. Ce monde si fragile et si incertain dont les divinités secrètes se nomment la beauté et la bonté. C'est en leur nom qu'il faut dire non à l'ombre qui approche..."
- enfin, mon cher et beau Christian Bobin, dont la poésie illumine tant d'existences ! "La vie, je la trouve dans ce qui m'interrompt, me coupe, me blesse, me contredit..." Et encore, au sujet l'existence de Dieu : "Prouver est un désir de savant ou de policier. Accueillir est un désir d'amoureux". Et encore à propos des puissants : "Il faudra leur arracher ce dont ils sont le plus avares : un regard délivré de tout mépris. Un regard humain, simplement".


Nanette

mardi 23 septembre 2014

Merci, la Vie !

Coucou ! Me revoilà ! Je suis née aujourd'hui ! Depuis quand ? Bof...  Je suis née et je vis, çà me suffit. C'est l'essentiel.
J'attendrai d'avoir cent ans pour compter. Avant, aucun intérêt.
Donc, depuis... des mois, j'ai abandonné mes petites "nanetteries". Plus envie. Trop d'horreurs sur la planète ; trop vite, trop le tournis. Trop de choses qui bouleversent la tête et le cœur. A quoi bon, le matin au saut du lit se réjouir de retrouver son petit blog pour raconter quelques niaiseries, comme disent les québécois ?
Mais ce matin, c'est différent : sur Facebook, un déferlement de petits mots gentils, de souhaits de "bon anniversaire". Ca vient de partout, de personnes que je ne connais même pas mais qui sont des "amis d'amis". Et puis çà vient aussi de vieilles copines, perdues de vue parce qu'elles ont changé de numéro de téléphone, d'amis lointains dont je ne savais même pas qu'ils "savaient" (mais Facebook sait tout, lui) ; d'amis très proches qui confirment par un mail puis par un coup de fil... Cà, c'est super sympa !
Toute cette affection, proche et lointaine, çà aide tout de même à supporter l'insupportable : Gaza, Alep, Homs, les yézidis et les chrétiens de Syrie, d'Irak, les journalistes décapités et le guide de haute montagne enlevé en Algérie, les ex-"premières dames" pleines de rancune et de mesquinerie (ah ! la grande allure d'une Anne Pingot !), les enfants assassinés et les camps de réfugiés qui débordent partout, les "ex-"Président" qui n'en peuvent plus d'être "ex" et qui se croient irremplaçables... La mort d'un jeune ami philosophe qui a su transfigurer ses derniers mois en cadeau à ceux qui restent ; le suicide du mari d'une amie ; la mort de la petite Eva à Tahiti, enlevée à 8 ans par le crabe...
Bon, j'arrête là cette triste litanie.
Une petite note tout de même : lisez absolument l'essai qu'Edwy Plenel vient de publier à La Découverte : "Pour les musulmans". Indispensable pour qui veut remettre bien des idées en place, avec honnêteté et lucidité.
C'est mon anniversaire et je veux dire merci à tous ceux qui m'ont manifesté leur profonde gentillesse, leur affection.
Et merci aussi à la Vie qui me traverse avec une si belle intensité...

Nanette

mercredi 25 juin 2014

Transport amoureux

Il me revient en mémoire... "Lorsque l'enfant paraît, le cercle de famille applaudit à grands cris..." Victor Hugo et son "Art d'être grand père."
Petit bonheur qui transforme une longue journée.
Sortant de chez le dentiste, cet après-midi, une molaire en moins et la bouche en biais, je m'installe dans le tramway pour rentrer chez moi, un peu dolente. Et, ô divine surprise, mon petit-fils Antoine entre dans mon wagon et s'assied à côté de moi ! 12 ans tout juste. Fier comme tout, ce matin il a pris pour la première fois le tram tout seul, a changé pour le métro et s'est rendu comme un grand chez son autre grand'mère. Et voilà qu'au retour, il tombe sur moi, en retrouvant le tram.
Je ne sais pas pourquoi mais sa jeune présence me rassure. Comme s'il pouvait me protéger en cas de besoin... Un bain de jouvence totalement imprévu.
C'est fou comme le simple fait d'avoir perdu une dent, la première, peut donner une impression de fragilité.
Et c'est beau, cet enfant qui apparaît plein de grâce dans mon horizon, qui s'enhardit dans la découverte de la vie, confiant et sans peur.
Mieux que la première gorgée de bière chère à Philippe Delerm, le surgissement de mon petit bonhomme m'a remplie du lait de l'humaine tendresse...

Nanette

dimanche 1 juin 2014

Le Saint-Esprit se rebiffe !

Allons bon ! Voilà que la belle et prometteuse rencontre proposée par le pape François à Mahmoud Abbas, président de l'Autorité Palestinienne et à Shimon Peres, président de l'Etat d'Israël dans sa "maison" du Vatican n'aura pas lieu le 6 juin comme je l'avais annoncé avec grand enthousiasme... Pour cause de prière musulmane le vendredi 6 puis de shabbat le samedi 7, c'est donc le dimanche 8 juin qu'aura lieu cette extraordinaire réunion de prière.
Tout comptes faits, ce n'est pas plus mal ; c'est le dimanche de la Pentecôte et le Saint-Esprit, censé descendre sur l'humanité ce jour-là aura fort à faire ! Et puis, plus prosaïquement, les medias seront accaparés par les cérémonies du 70ème anniversaire du Débarquement allié le 6 juin, en Normandie principalement. Obama, la reine d'Angleterre, Poutine et tant d'autres personnages très importants mobiliseront micros et caméras du monde entier (ou presque !), ce qui aurait grandement nui à la rencontre vaticane...d'un autre intérêt pour l'avenir du monde. Mais c'est ainsi !
Sans doute un bon tour du Saint-Esprit.

Nanette

lundi 26 mai 2014

François à Yad Vashem : "Adam, où es-tu ?"

Décidément, ce pape François a le génie de la véritable communication, celle qui relie les hommes entre eux en ce qu'ils ont de plus intime : j'entends ce matin à la radio que la rencontre entre Shimon Peres, Mahmoud Abbas et le pape aura lieu au Vatican le 6 juin prochain. Le jour du 70 ème anniversaire du Débarquement allié en Normandie ! Le jour du début de la fin pour les troupes nazies, l'aube de la reconquête de la liberté et de la paix...
Tandis que sur les plages du Débarquement en Normandie, chefs d'Etat et de gouvernements, rois, reines et officiels en tout genre célèbreront ce jour béni pour l'humanité, trois hommes de bonne volonté portés par un même désir de paix se retrouveront au Vatican pour prier, chacun dans leur foi.

"Homme, qui es-tu ? Qui t'a fait tomber si bas ?" dit, bouleversé, le pape à Yad Vashem.
En invitant les présidents Abbas, de Palestine et Peres, d'Israël à le rencontrer au Vatican, François souhaite trouver un début de réponse à cette interrogation lancinante qui habite notre siècle.
Qui dira encore que le voyage du pape qui se termine dans quelques heures n'est qu'un "pèlerinage en Terre Sainte" ?
On en découvrira dans les jours qui viennent toute la portée politique sous tendue par une puissance spirituelle sans précédent.

Nanette

dimanche 25 mai 2014

Bethléem : concert céleste

Magnifique concordance de temps : au moment où le chœur palestinien chrétien entonnait le Regina Coeli alors que se terminait la messe présidée par le pape François sur la Place de la Mangeoire, à Bethléem, ce matin, le muezzin lançait son appel à la prière de 13 heures du haut du minaret de la mosquée toute proche ! Les voix s'entremêlaient dans un concert céleste qu'on voudrait plus fréquent...
Symbole de ce que peut être la vie quotidienne dans cette Palestine multi-millénaire et multi-confessionnelle, à la fois si proche et si différente, ce court épisode de la visite du pape en Terre Sainte m'a remplie de bonheur et d'espérance ! Mais tout ce bref périple en Jordanie, Palestine et Israël de ce pape décidément courageux n'est qu'une suite de gestes prophétiques dont le plus fort restera sans doute l'invitation faite par le pape à Shimon Peres et à Mahmoud Abbas de venir au Vatican prier avec lui pour la paix entre leurs deux pays ! Invitation aussitôt acceptée par les deux hommes politiques.
Décidément, il se passe quelque chose d'inédit et de colossal sur cette terre berceau des trois monothéismes.

Nanette

dimanche 27 avril 2014

Quatuor papal : allegro vivace !

Ils étaient bien là, les quatre papes, sur la place St-Pierre noire de monde, en ce dimanche matin de canonisation. Bien là et tellement vivants qu'il était difficile d'admettre que deux d'entre eux n'étaient présents que par le truchement de petites fioles de sang enchâssées dans des reliquaires en argent. Jean XXIII, Jean-Paul II, Benoît XVI et François : quelle improbable et unique brochette papale que l'Histoire ne manquera pas de retenir comme exemple d'une institution en grande mutation... "Allegro vivace" ! aurait-on envie de rétorquer aux funestes prophètes qui voudraient enterrer avant l'heure une Eglise catholique déclinante, du moins en Occident.
Nous revenaient en mémoire, dans notre chair, des événements parmi les plus beaux du dernier siècle : le bon pape Jean, tout en rondeurs bienveillantes, maintenant saint Jean XXIII, lorsqu'il fut nonce à Paris sous le nom de cardinal Roncalli dans des périodes politiques fort agitées ou lorsque, fraîchement élu pape, il annonça d'une voix douce : "Nous voulons faire un concile", véritable coup de tonnerre parmi les princes d'une l'Eglise encore engoncée dans ses ors et ses fastes.
Et comment ne pas poursuivre notre cheminement à la fois humain et spirituel avec le splendide Jean-Paul II, à l'humanité tellement proche de la nôtre dans ses passions, journaliste, homme de théâtre, grand montagnard, homme aimé d'une femme qui, venant le voir un jour au Vatican, se précipita dans ses bras en l'appelant "mon bien-aimé" ! Lui, l'homme politique qui contribua à la chute du mur de Berlin, qui sut conquérir le cœur de millions de jeunes désorientés et leur offrir une boussole spirituelle en leur proposant des JMJ à travers la planète. Lui, devenu ce vieillard souffrant qui choisit d'exposer sa déchéance physique jusqu'aux portes de la mort, à l'image du Christ en croix.
Les deux portraits géants accrochés à la façade de la basilique St-Pierre nous rendaient ces deux hommes d'exception dans toute leur présence : le bon regard de Jean XXIII que l'on aurait aimé avoir pour grand père ; le regard d'une malicieuse et vive intelligence de Jean-Paul II offert comme un cadeau.

Fragile et humble, assis parmi ses confrères cardinaux et évêques, Benoît XVI, pape émérite si heureux d'avoir retrouvé la paix de l'âme et la compagnie de son piano au sein du monastère qui l'abrite dans les jardins du Vatican, fut longuement applaudi par la foule, place St-Pierre. Sans doute rendait-on hommage à ce grand intellectuel, théologien rigoureux et défenseur de la grande Tradition chrétienne plus que pasteur, artiste raffiné et délicat qui restera dans l'Histoire de l'Eglise pour ses écrits, sa dénonciation vigoureuse des scandales des prêtres pédophiles et sa courageuse renonciation au "trône de St-Pierre" lorsqu'il se sentit incapable d'affronter une trop grande modernité envahissante.
Et puis François : ce pape venu du Nouveau Monde comme il s'est lui-même défini, pasteur parmi les siens, qui ne cesse de dénoncer le scandale de la pauvreté et de la destruction de la planète, humble parmi les humbles, vivant le plus normalement du monde et s'entourant d'hommes compétents et ouverts pour gérer les dossiers les plus sensibles de l'Eglise. Capable aussi d'affronter jusqu'au péril de sa vie ceux qui le trouvent bien encombrant... Difficile d'être plus en phase avec la vraie vie et ses réalités profanes !

Oui, sans doute y avait-il  beaucoup d'allegro vivace dans les cœurs des 800 000 personnes réunies aujourd'hui à Rome pour rendre grâces à ce quatuor papal d'exception...

Nanette

mardi 15 avril 2014

Gentils bigames

Comme ils étaient charmants, ces deux-là, candides et pleins de fraîcheur dans leur adolescence qui nous rappelait la nôtre... Comme on a aimé les entendre et les réentendre sur la platine de notre Teppaz trônant dans notre chambre aux murs tapissés de photos de Gérard Philipe, de Jean-Pierre Pedrazzini, de doubles pages de Paris-Match reproduisant les tableaux de Paul Gauguin à Tahiti...
Oui, ils ont accompagné nos rêveries adolescentes, ces deux-là, le doux et tendre Adamo, le beau et héroïque Hugues Auffray !
Et puis les voilà, blanchis sous le harnois, hier soir pendant plus de deux heures chez Mireille Dumas, la grande accoucheuse de stars, se livrant sans fard, avec une sincérité qui nous les rendait si proches. Nos grands frères !
Le cher Salvatore à la voix inclassable, "comme celle d'Aznavour" dit-il lui-même, sur laquelle on n'aurait pas parié une lire à son arrivée de Sicile et qui, à 70 ans, continue de remplir les salles et à faire chavirer les dames, toutes générations confondues ! Quelle gentillesse, quel amour profond anime cet homme-là quand il raconte ce que fut sa vie ! Le petit Sicilien arrivé dans les corons de Belgique avec ses parents, chassés de chez eux par la misère, n'en revient toujours pas du parcours qui fut le sien. Les bluettes ont fait sa fortune, la chansonnette qu'on fredonne sur la planète entière mais surtout au Japon où il a quasiment rang d'icône hante notre mémoire. Grâce aux documents d'archives on découvre peu à peu ce qui fut son drame : en 1966, sur une plage de Sicile, ce père adoré qui déjà l'accompagne dans ses tournées et lui sert de mentor se précipite dans la mer pour sauver une petite cousine. La vague les emporte tous les deux. Adamo a 23 ans ; il se retrouve chef de famille, responsable de sa mère et de 6 petits frères et sœurs. Pas question de se dérober. Salvatore est à l'aube de sa carrière, jamais il n'abandonnera sa famille, quoi qu'il lui en coûte. Tout jeune, il épouse Nicole, son amie d'enfance. Heureux époux, heureux père, artiste comblé, richissime, un cœur gros comme çà...

Hugues Auffray, c'est l'éternel cow-boy. Le beau gosse à la voix de séducteur, inoubliable, chaleureuse. Il gratte la guitare avec élégance. Il est l'aisance personnifiée. Pas étonnant avec la mère qu'il a eue, grande aristocrate gasconne, tandis que son père était lui aussi "bien né".
Très tôt, Hugues quitte le domicile familial où la discorde s'est établie entre les parents. Un divorce simplifie les choses mais l'adolescent hante les rues de Paris, la guitare à la main et s'essaie à la chanson. La suite, on la connaît : à près de 85 ans, Hugues Auffray, crinière au vent, santiagues aux pieds, poursuit sa route de bête de scène avec une fougue défiant tous les gériatres... A peine entonne-t-il son superbe "Santiano..." que les salles chavirent de bonheur... A peine évoque-t-il son "beau cheval blanc" que les larmes perlent aux paupières... Increvable, cet Hugues, lui aussi marié très jeune à celle qu'il aime toujours. Deux filles superbes, maintenant grand père comblé.

Et pourtant, que se passe-t-il en fin d'émission ?
Le gentil Salvatore nous apprend que, oui, il aime sa Nicole plus que tout, qu'il ne la quittera jamais ; mais voilà, on le voit chantant avec une superbe jeune femme brune de 25 ans, sa fille qu'il a eue avec une autre dame, qu'il l'a reconnue à la naissance et qu'il n'y a pas là matière à faire un drame.
Et voilà que Hugues l'impétueux apparaît lui aussi dans les bras d'une magnifique jeune femme brune, sa nouvelle compagne qui lui donne tant d'énergie ! C'est donc çà, sa mystérieuse recette de jouvence... Mais il raconte ce bel amour avec une telle simplicité, tant de délicate humanité qu'il est impossible de lui reprocher quoi que ce soit. Sa femme et lui s'aimeront toujours, ils sont soudés pour l'éternité ; mais il avait besoin... il l'explique avec tant de lucide tendresse qu'on en est tout remué.
Sa blessure à lui est insondable : son frère aîné qu'il admirait tant et qui avait tous les dons pour devenir un immense chanteur, ce frère tant aimé s'est suicidé à 26 ans alors que lui, Hugues, en avait 25. Une plaie béante, définitive. "C'est lui qui devait être chanteur, pas moi, confesse-t-il ; moi, je voulais être sculpteur". Dans la grande salle de séjour de sa maison, partout des têtes sculptées, en bronze, en terre, en plâtre. Le petit garçon au cœur infirme a fini par réaliser son rêve.

Nanette

mardi 8 avril 2014

La belle de Cadix

"La belle de Cadix a des yeux de vélooouuurrrs...
"La belle de Cadix ne veut pas de l'amooouuurrr...
tchica tchica tchic aïe, aïe, aïe !...(bis)
"Ne veut pas de l'amooouuurrr..."

Et voilà : après Juliette Gréco, c'est maintenant le beau, l'irrépressible "prince de l'opérette" et sa voix de velours qui m'obsède quand je pense à nos dirigeants politiques !
Luis Mariano chantant les yeux de velours d'Anne Hidalgo, sa compatriote née tout près de Cadix, Luis Mariano né au Pays basque espagnol, à Irun et enterré à Arcangue, au Pays basque français qui a enflammé des centaines de milliers d'amateurs et surtout d'amatrices de roucoulades à la guimauve ; qui dans les 50 remplissait les stades de sa voix d'or et vendait des disques à pleines brouettes.
Donc la nouvelle maire de Paris aux yeux de velours est française depuis l'âge de 14 ans tandis que Manuel Valls, notre nouveau premier Ministre, né à Barcelone, aux yeux de velours lui aussi et à la tournure de torero,  n'a la nationalité française que depuis l'âge de 20 ans.
Et que dire de Nathalie Kosciusko-Morizet, la flamboyante adversaire malheureuse d'Anne Hidalgo à la mairie de Paris dont les ancêtres n'ont quitté la lointaine Pologne qu'au XIXè siècle, lors de la Monarchie de Juillet ? Son grand père était ambassadeur de France, son arrière-grand père fut l'un des fondateurs du Parti Communiste Français et l'on pense que, par sa mère, la belle NKM serait une lointaine descendante de Lucrèce Borgia...
J'allais oublier : Nicolas Sarkozy n'a-t-il pas des ancêtres hongrois et même juifs grecs ?

En voilà bien des immigrés !
En voilà bien des ambitieux, des courageux, des amoureux des valeurs de notre République française !
Qui donc oserait encore prétendre que l'intégration n'est pas soluble dans les règles de la république ? Qu'il nous faut bouter hors de France tous ceux dont les aïeux ne remontent pas à saint Louis ou, au moins, à Louis XIV ?

Allez, encore un petit coup de "Belle de Cadix", de "Chanteur de Mexico" ou de "Prince de Madrid" pour faire passer les mauvaises humeurs !
Et vive la chanson française, monsieur Alain Resnais !

Nanette

mercredi 2 avril 2014

"Marions-les, marions-les..."

"Marions-les, marions-les ; je crois qu'ils se ressemblent"
"Marions-les, marions-les ; ils seront très heureux ensemble !"

Qui donc ? Mais François et Ségolène, bien sûr !
Enfin, les voilà réunis. Autour de la table des ministres, d'accord, mais çà vaut bien un banquet nuptial ! Et puis ils sont libres, l'un et l'autre, après leurs escapades diverses et plus ou moins éphémères. Exit Valérie, exit Julie. Elles n'avaient, ni l'une ni l'autre, la carrure élyséenne.
Ségolène, c'est différent : les bancs de l'ENA avec François, vingt ans de vie commune, quatre enfants ensemble, une vie politique commencée dans le sillage de François Mitterrand et parsemée de ministères, de présidences en tous genres, la victoire aux primaires socialistes, l'affrontement avec Nicolas Sarkozy : elle a le cuir tanné, la Ségolène et sait encaisser les coups, aussi bien politiques que sentimentaux.
Quant à lui, François, ce poisson au sang froid, ce grand timide bousculé par la fonction présidentielle, ce grand maladroit avec les femmes, il aurait tout à gagner à s'avouer vaincu, à accepter enfin un bercail conjugal après tous ces chemins de traverse qui lui ont fait tant de tort.
Moi, je vote pour que ces deux tourtereaux qui ne sont plus des pigeons de l'année et qui n'ont jamais été mariés -ni l'un ni l'autre- demandent à Anne Hidalgo, ceinte de son écharpe tricolore toute neuve, de les unir à la mairie de Paris. Et pour faire bonne mesure Juliette Gréco serait leur témoin. C'est tout de même elle l'auteur de cette chanson si charmante, et peut-être prémonitoire"Marions-les, marions-les" dont la mélodie nous poursuit depuis des décennies. D'accord, il faudrait faire çà discrètement, loin de ces paparazzi destructeurs de vie privée. Juste avec des gens qu'on aime...
D'ailleurs pour participer à la liesse générale, vous pouvez télécharger cette allègre chansonnette sur vos portables !
Rêvons un peu...

Nanette

lundi 31 mars 2014

Vox populi...

Les urnes ont parlé. Qu'on apprécie ou qu'on soit plein de tristesse,  d'amertume ou d'inquiétude pour l'avenir, c'est ainsi. "Vox populi, vox dei" dit l'adage, même si le "dei" se fait de plus en plus discret, au moins en apparence.
Ainsi la France des 36 700 communes a choisi. Même les plus optimistes, comme Jean-Claude Gaudin, l'indéboulonnable maire de Marseille qui, à 74 ans, rempile pour un 4ème mandat, n'en reviennent pas d'un tel raz-de-marée bleu profond. Les politologues avaient prévenu : avec plus de 130 villes perdues par la gauche, on pourra parler de tsunami. Et voilà qu'on en dénombre 155... Heureusement, quelques-unes sauvent l'honneur ; Grenoble par exemple où les ombres tutélaires de Pierre Mendes-France et de Hubert Dubedout, hommes intègres de la politique locale inscrits dans l'histoire récente, semblent avoir protégé un jeune écologiste porteur d'espérance, Eric Piolle. Pour beaucoup d'autres, le fauteuil laissé vide par un maire socialiste ou communiste n'est pas nécessairement synonyme de catastrophe : François Bayrou à Pau fera un bon maire centriste, en équipe pour l'Aquitaine avec Alain Juppé à Bordeaux. A Paris, l'UMP NKM a raté son coup, la socialiste Anne Hidalgo, beaucoup plus sympathique et rompue à la vie locale depuis 13 ans aux côtés du maire Bertrand Delanoë, récoltant les fruits de sa fidélité sans faille.
On pourrait égrener le chapelet de ces villes ayant basculé de gauche à droite, de droite au Front National, Marine Le Pen avec l'aide des medias ayant réussi à présenter le parti créé par son père comme un parti tout à fait fréquentable, un "parti d'adhésion" comme elle le définit maintenant elle-même.
La France ne va pas bien. Dans sa tête surtout. Et les résultats de ces élections le prouvent. Elle demande des résultats, des décisions énergiques, intelligentes. Pas des coups de cœur à l'italienne comme est en train d'en distribuer à tout-va le nouvel homme fort d'Italie, Renzi. La France est un pays rationnel, réfléchi, riche d'une longue histoire structurante et révolutionnaire aussi. Les électeurs ont dit beaucoup de choses avec leur bulletin de vote. Les grands débats de société sur le mariage pour tous avec tous ses corollaires, l'euthanasie ont inutilement réveillé de vieux démons sans mettre en scène les débats sérieux qui auraient permis de mieux comprendre les enjeux de tels bouleversements. Sans doute pour certains participants des "manif pour tous", l'occasion a été saisie d'exprimer leur rejet de ces avancées sociétales mal ficelées.
Au fond, ce qui a manqué le plus à ce gouvernement qui, sans doute, vit ses dernières heures, c'est l'art et la manière de savoir expliquer où il nous embarquait, pourquoi le président prenait de telles décisions, quelles perspectives économiques guidaient leurs choix, quel était le calendrier des mois à venir. En somme, l'équipe gouvernementale a totalement manqué de pédagogie dans notre société de l'image et de l'instantanéité !
Alors vox populi, vox dei ?
Sans aucun doute. Mais l'expression ne s'est pas figée dans le temps, malgré les apparences. Le latin est une langue vivante. Peut-être nos dirigeants devraient-ils relire leur "Guerre des Gaules" !

Nanette

vendredi 28 mars 2014

Eloge des bourrelets superflus

Jamais je n'ai autant chéri mes petits bourrelets superflus que depuis 48 heures... Grâce à eux, j'ai évité la fracture du col du fémur, la prothèse de hanche, des genoux et, pourquoi pas, le nez cassé, les pommettes itou et les lunettes en miettes !
Bon, j'exagère un brin mais sait-on jamais ?
Mes amortisseurs bien placés (bas du dos, épaules surtout) auxquels j'ajoute une absence totale d'ostéoporose et une énergie farouche m'ont aidée à me défaire avec un minimum de dégâts d'un malandrin qui en voulait à mon sac ! Comme çà, à 15 heures en plein centre-ville ! Non mais, et puis quoi encore !
Le grand gars, encapuchonné, me tape sur l'épaule, comme si on était copains. Je me retourne, il s'agrippe aux anses de mon sac en cuir que je portais, funeste habitude, en bandoulière à mon épaule gauche. D'instinct, je replie le bras sur le précieux sac (bourré de papiers administratifs, cartes bancaires, carnets de chèques, portable, enfin toute la panoplie d'un sac de femme, autre habitude funeste !) et je me mets à beugler :" espèce de petit merdeux !" etc. Mais lui tire de plus belle, la rue est totalement déserte et finalement je m'étale, lui tirant de toutes ses jeunes forces... Me voilà traînée sur le trottoir, toujours accrochée à ma bourse comme la moule sur son rocher. Vingt deux, il ne m'aura pas, le bougre ! Mais je commence à mollir... C'est là qu'interviennent mes précieux bourrelets dont je me passerais bien quand j'essaye un nouveau vêtement.
Sentant la force me manquer, je tente un "au secours !" voué à l'échec puisqu'il n'y a toujours personne alentour. Et, miracle, l'apprenti brigand détale, les mains vides ! Une voiture arrive enfin, le conducteur me demande ce qui se passe et file derrière l'encapuchonné qui, bien sûr, a disparu derrière un immeuble.
Sans doute ai-je été "sauvée" par l'arrivée opportune de cette voiture.

Rentrée chez moi et après avoir copieusement engueulé un malheureux SDF qui, devant la bouche de métro, me réclamait 50 centimes et qui se reçut en plein figure quelques vigoureux "ah ! vous, foutez-moi la paix, je viens de me faire agresser !" -c'est fou comme çà soulage de se lâcher- je m'aperçois que la manche gauche de mon manteau ne tenait plus que par un fil. Il a vraiment tiré fort, le gaillard...
Mâchée de partout, les genoux couronnés, un magnifique hématome à hauteur de la hanche, l'épaule endolorie, je savoure ma victoire : elle a résisté, la mémé !
Au fond, c'est çà qui a décuplé mes forces ; pas question de céder à la trouille ambiante. Mon instinct de conservation a parlé.
Et mes bourrelets ont fait office de gilet pare-balles. Alors pas question d'entamer un régime pour faire fondre une quelconque mauvaise graisse... Qu'on se le dise dans les chaumières !

Morale de l'histoire pour vous, mes sœurs qu'on appelle "personnes âgées" : ne pas sortir avec un sac en bandoulière. Préférer une pochette portée devant soi contenant le minimum de documents, d'argent liquide ou de clés. Et puis faire comme les Scandinaves : porter un sac-leurre, un vieux sac sans valeur dans lequel on met un vieux parapluie, un bouquin auquel on ne tient pas, quelques trucs pour faire croire que nous transportons le Saint-Sacrement en personne...
Si on nous attaque, on lâche tout et on rigole sous cape.
Mais be careful quand même...

Nanette

samedi 1 mars 2014

Guillaume Gallienne : ave, César !

L'Académie du cinéma a remis hier soir ses récompenses à l'ensemble de la profession pour l'année 2013. Guillaume Gallienne est sorti grand vainqueur de la compétition avec cinq César pour son film autobiographique tiré de sa pièce de théâtre : "Les garçons et Guillaume, à table !" dont j'avais dit ici, voici quelques semaines, tout le bien que je pensais.
César du meilleur film et du meilleur premier film, du meilleur acteur, du meilleur montage et de la meilleure adaptation. Le film a déjà enregistré plus de 2,5 millions d'entrées et a bénéficié d'une excellente couverture médiatique, Guillaume Gallienne, pensionnaire de la Comédie Française, étant par ailleurs chroniqueur hebdomadaire sur France Inter d'une émission littéraire de très bonne qualité.
Peut-on déduire de ces quelques précisions le quasi flop enregistré par l'autre film en compétition qui, lui, avait raflé déjà une montagne de récompenses prestigieuses, "La vie d'Adèle", Palme d'Or à Cannes, prix Louis Delluc et tant d'autres trophées glanés à l'étranger ? Le film d'A. Kechiche, lui aussi encensé par la critique, n'a pourtant attiré qu'un million de spectateurs en France et n'a remporté qu'un César, celui du meilleur espoir féminin attribué à la jeune Adèle. Quant au troisième film en compétition, traitant lui aussi d'homosexualité, "L'inconnu du lac", l'un de ses héros a reçu le César du meilleur espoir masculin.

Quatre mille représentants de la profession cinématographique participent au vote, ce qui peut laisser penser que les intrigues et les manipulations -qui existent certainement- sont tout de même minimes. Alors ces résultats reflètent-ils un certain état d'esprit de notre société ? Je serais tentée de le croire, notamment concernant notre attitude vis-à-vis de la quête de l'identité sexuelle, question tellement débattue en France depuis des mois !
Guillaume Gallienne a choisi de poser le problème sur le mode de la comédie et traite, si je puis dire, le sujet en creux : son entourage et en premier lieu sa mère le veulent homosexuel, et il s'emploiera, à force d'un courageux parcours du combattant, à se prouver à lui-même et aux autres qu'il ne l'est pas !
Adèle vivra, elle, une expérience extrêmement douloureuse, violente, à la fois destructrice et perverse de la découverte de l'homosexualité à vif, crue, sans modération. Le réalisateur aborde le sujet de plein fouet, avec des scènes, longuement décrites dans les medias, qui en ont découragé plus d'un d'aller voir ce film. Quant à "L'inconnu du lac" -que je n'ai pas vu- il semble qu'il parle de l'homosexualité masculine plus classiquement mais aussi en images très explicites.

Notre société, travaillée par la question du mariage homosexuel, du genre, de l'éducation sexuelle à l'école, n'est-elle pas un peu lasse de tous ces débordements ? N'a-t-elle pas envie d'un peu de pudeur et de retenue sur ces sujets touchant à notre intimité ? A force de déverser sans modération des mots, des idées, des a priori, des clichés, des images, des reportages et que sais-je encore, exposant, décortiquant nos questionnements les plus intimes, n'en est-on pas arrivé à plébisciter un film qui, sans être un chef d'œuvre cinématographique, parle de ce sujet avec pudeur et retenue, avec légèreté et tendresse, respect et courage ?
Alors tant mieux si Guillaume Gallienne, ce garçon si "bien élevé", si "comédien français" dans son élocution même et sa façon très XVIIIème siècle de dire avec une si belle émotion contenue : "Quelle soirée, nom de bleu !" est reparti chez lui croulant sous les César ! Tant mieux pour lui et pour le cinéma français... Les cinq statuettes sculptées par César ont fait de lui l'empereur de la soirée !
Mauvaise note, par contre, pour les cameramen insistant avec impudeur sur le visage de Julie Gayet, assise dans le public, nommée elle aussi pour un César (qu'elle n'a pas eu !) pour son petit rôle dans le film "Quai d'Orsay". Elle était en compétition avec la mère de Carla Bruni, elle aussi nommée pour sa participation dans un film de sa fille, Valérie. People, quand tu nous tiens...
Heureusement, c'est l'admirable Sandrine Kimberlain qui a reçu la statuette de la meilleure actrice pour son interprétation de magistrate coincée dans le film d'Albert Dupontel "Neuf mois ferme".
Et l'inaltérable Roman Polanski s'est vu remettre lui aussi un César, celui du meilleur réalisateur, pour sa "Vénus à la fourrure" qui ne comptabilise, pour l'instant, que 125 000 entrées...
Les voies des César sont impénétrables...

Nanette

mercredi 26 février 2014

Paco de Lucia à Marciac

Paco de Lucia, l'immense et discret maître du flamenco contemporain, s'en est donc allé, bêtement  d'une crise cardiaque au Mexique, à 66 ans.
Entendant l'annonce de cette disparition, ce matin à la radio, m'est tout à coup revenue en mémoire cette incroyable soirée vécue l'été dernier au festival de jazz de Marciac. Paco de Lucia en était la vedette, avec tous ses amis gitans. Ce fut, pour moi du moins, la plus belle fête de tout le festival. La perfection même, l'épure de cet art si ardent, si fougueux, porteur de la passion la plus violente et la plus douce. Entouré de ses amis musiciens, chanteurs et danseur, Paco de Lucia livra le meilleur de lui-même, concentré, vibrant, maître incontesté et pourtant ne s'autorisant pas le moindre racolage. Sous l'immense chapiteau, plus de 5000 spectateurs n'en perdaient pas une note, ni de son jeu à la sa guitare, ni de l'incroyable spectacle donné, offert devrais-je dire, par son jeune danseur véritablement habité par une transe surhumaine.
Oui, cette soirée restera unique dans ma mémoire.
Tout comme le cadeau que mes hôtes très chers me firent à l'issue de ce beau moment : une aquarelle peinte sur le lieu même du concert par une artiste allemande assise face à la scène et signée par Paco de Lucia à l'issue de son spectacle.
Que d'émotion aujourd'hui dans ce tableau !

Nanette

dimanche 23 février 2014

Fière et grave Ukraine

Bonheur encore en ce début de nuit en voyant se dérouler sous nos yeux, minute après minute, la résurrection d'un peuple, civilisé et grave... Oui, ce furent de magnifiques moments que ces longues heures vécues en direct sur la place Maïdan de Kiev qui, quelques jours plus tôt, était le théâtre d'un meurtre collectif voulu par un tyran lâche et corrompu.
Ils étaient 50 000 hier soir, sur cette place, à attendre l'arrivée de Ioulia Timochenko, tout juste libérée de prison après deux ans d'enfermement. Des milliers d'hommes et de femmes graves, silencieux, sachant trop bien que cette victoire s'écrivait avec le sang d'une centaine de leurs camarades tombés sous les balles de la police. L'heure n'était donc pas à l'explosion d'une joie bruyante mais à la reconnaissance intime pour le sacrifice de ces camarades morts pour la liberté. La blonde Ioulia, fragile dans son fauteuil roulant, n'en finissait pas de crier sa joie, sa reconnaissance pour ces héros mais aussi de demander pardon au nom de tous les hommes politiques de son pays pour n'avoir pas su entendre la voix du peuple. Moments forts, inoubliables de dignité et de fierté.

Le peuple ukrainien est en train de démontrer au monde entier sa maturité et son sens de la responsabilité. Il fallait voir, dans l'après-midi, toutes ces familles, enfants dans les poussettes ou juchés sur les épaules paternelles, parcourir les hectares de la propriété privée du président déchu, Ianoukovitch, admirer éberlués les ridicules constructions néo-classiques s'étalant dans les jardins, découvrir en collant leurs regards aux fenêtres de la maison le luxe des aménagements intérieurs. Comme s'il s'agissait d'une banale promenade dominicale dans un jardin public... Le peuple ukrainien prenait la mesure de l'immense duperie dont il est victime depuis des décennies. Mais chez lui, nulle hystérie, aucune réaction de violence ou de vengeance. Enfui, déjà englouti dans les oubliettes de l'Histoire, Ianoukovitch ne méritait pas un peuple de cette trempe.
Depuis trois mois, 24 heures sur 24, les Ukrainiens ont occupé pacifiquement la place Maïdan. Des grands mères, sac à main dans la main gauche, pavé dans la main droite, ont participé à l'œuvre collective de libération. La population s'est organisée pour tenir, malgré tout ; les blessés soignés tant bien que mal dans le hall des grands hôtels, les morts recouverts de couvertures, les femmes apportant de la nourriture, les combattants se protégeant derrière des boucliers de fortune, sans arme autre que des bâtons et des couteaux ; des prêtres orthodoxes venant prier avec eux sur la place.
Quelle différence avec les scènes de barbarie auxquelles nous avons assisté avec les exécutions sommaires de Saddam Hussein et de Mohamed Khadafi ; la pendaison en direct de Hussein, le lynchage puis l'exécution de Khadafi !
En Ukraine, tout reste à faire. Il s'agit maintenant de diplomatie, de jeux savants entre Poutine, Obama, l'Europe. Le peuple, lui, ne se laissera pas voler sa victoire, soyons-en sûrs...

Nanette

jeudi 20 février 2014

Geneviève et Germaine au Panthéon

Voilà une belle et bonne décision de la part de notre Président : Geneviève Anthonioz-De Gaulle, et Germaine Tillon vont rejoindre les "Grands Hommes" du Panthéon. Pour respecter la parité, François Hollande a choisi de leur adjoindre deux hommes au destin dramatique : Pierre Brossolette, grand résistant qui, arrêté en 1944, préféra se défenestrer plutôt que de risquer de parler sous la torture et Jean Zay, homme politique assassiné en juin 1944.
C'est toute la Résistance qui, derrière Jean Moulin, entre ainsi au Panthéon.
Geneviève Anthonioz-De Gaulle, nièce du général De Gaulle, fut déportée et internée à Ravensbrück pour faits de Résistance ; plus tard elle consacra sa vie à la défense des plus pauvres. Présidente de l'association ATD-Quart Monde, elle mit toutes ses forces et son humanité dans ces universités populaires, chères au Père Joseph Wrezinski, le fondateur d'ATD-Quart Monde, où les plus délaissés du lumpen prolétariat apprennent à retrouver une identité et un visage humain. Sur son expérience à Ravensbrück, Geneviève Anthonioz-De Gaulle a écrit un petit livre tout en profonde pudeur, "La traversée de la nuit". Seule femme à avoir été élevée au grade de Grand Croix de la Légion d'Honneur, elle est décédée à 82 ans.
Germaine Tillon, morte à près de 101 ans en 2008, fait partie de cette race de femmes que rien n'arrête. Ethnologue spécialiste de l'Afrique, politiquement engagée à gauche, elle participa très activement à la Résistance, ce qui lui valut d'être également déportée à Ravensbrück. Toute sa vie, elle défendit la libération des peuples, fustigea la colonisation et se battit pour l'émancipation féminine. Magnifique figure de femme contemporaine.
Au Panthéon, où les attendent soixante-et-onze gloires nationales, elles retrouveront les deux autres femmes déjà "panthéonisées" : Marie Curie, l'illustrissime physicienne deux fois Prix Nobel, de physique avec son mari Pierre en 1903, et de chimie, seule, en 1911 ; et Sophie Berthelot, l'épouse du chimiste Marcellin Berthelot.

Pourquoi avoir transféré Sophie Berthelot au Panthéon avec son mari en 1907 ? Peut-être pour la simple raison qu'elle était morte quinze minutes avant lui... Une belle preuve d'amour.
Marie Curie, elle à qui l'humanité doit tant et qui mourut des conséquences de ses travaux sur la radioactivité, dut attendre 1995 pour gravir la montagne Sainte-Geneviève et être enterrée au Panthéon...

Nanette

lundi 27 janvier 2014

TUNISIE : bravo !!!

Quel bonheur d'apprendre dès hier soir aux environs de minuit les résultats du vote par l'Assemblée Nationale Constituante du projet de constitution : 200 voix pour, 12 contre et 4 abstentions.
Enfin, çà y est, la Tunisie sort du tunnel. Il lui a fallu trois ans pour accoucher de ce texte d'une modernité vers laquelle bien des pays, occidentaux ou arabes, peuvent lorgner.
Et puis, pour achever l'œuvre de reconstruction, le nouveau Premier Ministre Mehdi Jomââ, a réussi à former un gouvernement composé uniquement de personnalités "compétentes".
Bien sûr, tout n'est pas gagné et les islamistes les plus radicaux ainsi que l'opposition de gauche la plus rude ne vont pas se fondre dans la masse sans réagir. mais le principal semble atteint : les Tunisiens se sont ressaisis, sous diverses pressions -économiques, diplomatiques- et, craignant de connaître le sort des Frères Musulmans en Egypte, les membres d'Ennadha ont fait profil bas.
Maintenant, pour que ceux (dont quelques artisans de paix du dialogue interreligieux) qui ont travaillé sans relâche avec pugnacité depuis trois ans voient leurs efforts enfin profitables au pays, il n'y a plus... qu'à se retrousser les manches et à se mettre véritablement au travail.
Le pays et le peuple tunisien le valent bien !

ANNETTE BRIERRE

Adieu, ma concubine...

Oui, oui, bon, faire resurgir de ma mémoire ce merveilleux film chinois "Adieu ma concubine" à l'occasion du déplacement en Inde de l'ex compagne du président François Hollande, Valérie Trierweiler pourrait sembler terriblement... macho, voire méprisant.
Et pourtant : est-ce être féministe que de défendre bec et ongles une dame qui, de toute évidence, n'avait pas sa place au Palais de l'Elysée ?
Sans reprendre les informations qui viennent d'occuper la planète médiatique de la terre entière (?) concernant les amours présidentielles, je rappellerai seulement quelques initiatives désastreuses de Valérie Trierweiler dès l'élection présidentielle : son injonction au président de l'embrasser sur la bouche, au soir de l'élection présidentielle, devant les caméras de tout le pays à Tulle ; son comportement à la mairie de Paris lors de la présentation des corps constitués au Président, le fameux tweet de soutien envoyé à l'adversaire politique de Ségolène Royal lors de l'élection législative de La Rochelle, ce que les quatre enfants du couple Hollande-Royal ne lui pardonneront pas.
Bref, on pourrait allonger la liste des impairs commis par celle qu'on a malencontreusement appelée "la première dame" tout au long de ces vingt mois de présidence hollandaise.
Etre féministe, c'est avant tout ressentir la conscience d'une certaine dignité à respecter, d'une défense de certaines valeurs à défendre et à vivre soi-même. Pour accepter d'occuper le Palais de l'Elysée, de représenter la France sur la terre entière pendant la durée du mandat présidentiel, il faut un profil bien particulier fait de courage, d'intelligence et d'équilibre. Peu importe qu'on soit marié ou seulement compagnon ou compagne, qu'on soit hétéro ou homosexuel, grand ou petit, beau ou laid, de gauche ou de droite. Ce qui compte c'est la force de caractère d'une personnalité, sa capacité à faire front. Bernadette Chirac et Danièle Mitterrand, épouses bien chahutées par les multiples infidélités de leurs maris, ont su magnifiquement tenir leur rang. Ce qui semble ne pas être le cas de Valérie Trierweiler.
Dans le cas présent, il y a tout simplement eu une erreur de casting.
Espérons que François Hollande saura tirer la leçon de cette dommageable aventure.

Nanette

dimanche 12 janvier 2014

CINEMA : trois films inévitables

Une fois n'est pas coutume : j'ai envie de parler de trois films vus très récemment et qui me semblent particulièrement importants pour comprendre l'évolution de nos sociétés.
Il s'agit de deux films français : "Les garçons et Guillaume, à table !", écrit et réalisé par Guillaume Gallienne, et "La vie d'Adèle", d'Abdellatif Kechiche, Palme d'or au dernier Festival de Cannes. Quant au troisième film, il est britannique : "Philomena", du grand Stephen Frears.
Pourquoi faire un tel rapprochement entre ces trois films ? Il me semble qu'on y traite, sous des angles différents, l'essentiel des questions qui bouleversent nos vies intimes : le rapport à la sexualité, le rapport à la spiritualité et aux religions.
On pourrait dire que Guillaume Gallienne, extraordinaire acteur jouant sa propre histoire, et Abdellatif Kechiche abordent l'un et l'autre, par des voies complémentaires, la question du genre, celle de la détermination sexuelle.
Dans le monde très grand bourgeois parisien de Guillaume, on est corseté, engoncé dans les principes et les codes. Tout comme dans celui de "la fille aux cheveux bleus" de "La vie d'Adèle" ; là, ce sont les principes et les codes sociaux d'un monde pseudo-intellectuel parisien, artistique et apparemment libéré. Chez les Gallienne, les garçons sont virils, sportifs et beaux. Chez la fille aux cheveux bleus, on est gay, lesbienne, peintre, cultivé, sans morale ni affect.
Seulement voilà, il y a des grains de sable : madame Gallienne-mère, en manque de fille au milieu de ses quatre garçons, a décidé inconsciemment que Guillaume, le petit dernier qui n'est ni sportif ni très beau, serait une fille... Et la fille aux cheveux bleus, sans foi ni loi, n'avait pas prévu qu'Adèle-la-pure, la passionnée entrerait dans sa vie. Avec toutes les conséquences pour l'une comme pour l'autre.
Car enfin Guillaume va devoir traverser les pires affres pour surmonter les préjugés familiaux et autres faisant de lui un homosexuel qu'il n'est pas. Et Adèle, adolescente en quête de son identité, avec des parents modestes et simples, sortira totalement essorée de son histoire d'amour avec la fille aux cheveux bleus qui, elle, retournera dans son monde pseudo-cultivé et pseudo-libéré après avoir fondé le plus bourgeoisement du monde "une famille" avec une amie qui a eu un enfant par insémination artificielle... La confusion des genres est totale !
Dans un cas, la société bien-pensante a failli rendre définitivement malheureux un homme qu'elle voulait femme. Dans l'autre cas, une autre société bien-pensante, "libérée" celle-là, a cruellement fait perdre tous ses repères sociaux et moraux à une jeune fille simple en quête d'elle-même.

"Philomena" traite d'un sujet déjà connu, bouleversant, terrible : dans l'Irlande ultra-catholique d'il y a encore peu d'années,  de pauvres gamines qui avaient eu le malheur de "tomber enceintes" étaient placées par leurs familles dans des couvents dignes de l'enfer... Il fallait qu'elles paient leur péché et fassent rédemption en travaillant comme des esclaves ! Le plus souvent, quand elles ne mouraient pas en couches et que leur bébé survivait, on le "vendait" à des couples fortunés en mal d'enfants. L'horreur si bien décrite dans un film précédent, "Magdalene Sisters". Cette histoire vraie de Philomena Lee, à qui on arracha son enfant à l'âge de trois ans pour le vendre à un couple d'Américains raconte comment cette infirmière à la foi sincère et simple accomplit sur elle-même et sur le journaliste qui l'accompagne dans tout son périple pour retrouver la trace de son enfant, 50 ans après, un travail à la fois humain et spirituel. Il n'y a en elle nulle révolte, nulle condamnation envers ces religieuses elles-mêmes enfermées dans un système digne du Moyen-Age. Au contraire, elle n'est que bienveillance et pardon. Elle n'est qu'amour de l'autre, quel qu'il soit. Bouleversant.

Encore un petit mot : le pape François a décidé d'organiser un synode sur la famille en octobre prochain au Vatican. Pour préparer ces travaux, un questionnaire a été envoyé à toutes les paroisses du monde dans le but de prendre la température du "peuple de Dieu".
Dans l'une des questions posées, il est rappelé que les divorcés remariés et les personnes vivant en union libre n'ont accès ni à l'Eucharistie, ni au sacrement de réconciliation... Voilà qui devrait faire le ménage ! Il y a au moins un secteur où l'Eglise pourrait faire des économies notoires : l'achat d'hosties.

Nanette