jeudi 19 novembre 2015

ATTENTATS - Houellebecq a perdu

Michel Houellebecq a perdu. Son dernier livre, "Soumission", nous avait glacé le sang. Un livre à ne pas mettre entre toutes les mains, disais-je à mes amis tant il m'avait laissé une profonde impression de descente aux enfers. Une sorte d'anéantissement préludant à l'effondrement total et définitif de la France dont les institutions, et en priorité la Sorbonne, étaient tombées aux mains des islamistes... Un mauvais rêve, disait la 4è de couverture, une fable, disaient les fans de l'écrivain faisant les gorges chaudes dans les salons germanopratins, toujours prompts à se gausser des esprits simples... Le peuple français entrait dans un nouveau modèle de société sans même s'en rendre compte, sans le moindre soubresaut ni la plus légère résistance. En toute inconsistance.
Ce livre, mis en vente en librairie le 7 janvier dernier, le jour de la tuerie à Charlie Hebdo, partit comme des petits pains : plus de 600 000 exemplaires vendus en France, 200 000 en Italie, autant en Allemagne etc.
Et puis il y eut 1e 11 janvier et ses 4 millions de Français dans les rues pour dire "Même pas peur" et "Nous sommes Charlie".

Et puis il y a eu le vendredi 13 novembre... Et ses 129 morts. Et ses 352 blessés. Paris K.O. debout. La France sidérée, pétrifiée, statufiée... Attaquée dans ses fondations les plus spécifiques.
Est-ce que tout allait recommencer ? Les "Même pas peur" criés en tremblant ? Est-ce que Houellebecq aurait gagné ? Serions-nous planqués sous nos couettes, derrière nos volets, annulant nos voyages en train, en avion, n'osant plus prendre le bus ou le métro ? Ne sachant comment parler de tout ce carnage à nos enfants muets d'angoisse ? N'osant plus nous arrêter pour boire un verre à une terrasse, prendre un billet de cinéma ou de théâtre ? Allions-nous, nous aussi, mourir de peur ? "J'ai peur de la peur" disait l'autre matin Jacques Higelin sur France Inter, quelques jours avant ce funeste 13 novembre. Nous y étions.
Et bien non : le scénario ne s'est pas reproduit. Cette fois, c'est toute la France qui a réagi, toutes classes sociales confondues, toutes générations mais surtout, ô enfin ! les plus jeunes. Merveilleux lycéens entonnant spontanément la Marseillaise dans la cour de la Sorbonne -celle-là que Houellebecq avait rebaptisé Université Islamique de la Sorbonne- tandis que François Hollande quittait les lieux après la minute de silence. Merveilleux amis du monde entier illuminant les monuments les plus symboliques de tous les pays des trois couleurs de notre drapeau en hommage à notre culture, à notre histoire, à notre art de vivre... Merveilleux 17 millions de Français qui communient avec les spectateurs du stade de Wembley, à Londres, Anglais et Français chantant ensemble la Marseillaise en préambule à un match de foot. Merveilleux élus de la nation réunis en congrès au château de Versailles pour entendre un discours d'homme d'Etat de François Hollande qui, eux aussi, chantent l'hymne national à pleins poumons ! D'ailleurs, ils n'en finissent plus, nos élus de tous bords, de chanter la Marseillaise : au rassemblement des maires de France, à l'Assemblée Nationale cet après-midi encore. Ils votent des lois à la quasi unanimité : 551 contre 6 aujourd'hui pour étendre l'état d'urgence à 3 mois.

Ce qui me réjouit le cœur, au milieu de tant de désastres et de souffrances, c'est que j'ai le sentiment que tous ces gens ne sont pas morts pour rien. Nous les "vieux", nous avons connu les guerres, les attentats de l'OAS à Paris et tant d'autres. Nous savons que la vie est toujours plus forte que la mort mais que le prix à payer est terrible. Nous connaissons le prix de la liberté et du bonheur de vivre. Nos jeunes le découvrent aujourd'hui et voilà qu'ils nous émerveillent par leur courage, leur esprit de résistance et leur volonté farouche de ne pas céder à la tentation de l'effondrement, chère à Houellebecq...

Nanette

mardi 13 octobre 2015

"J'ai peur de la peur"

Juste une petite réflexion qui me trotte dans la tête depuis hier matin, après avoir entendu le merveilleux entretien, sur France Inter, entre Jacques Higelin et Augustin Trapenard.
- Quelle est votre peur ?" interroge le journaliste.
- J'ai peur de la peur" répond l'artiste, chanteur, compositeur, danseur etc.

Tout est dit dans ces quelques mots.
Pas besoin d'en rajouter. Il suffit d'y repenser, encore et encore...
De quoi, de qui n'ai-je PAS peur ?
Pourquoi ai-je peur ?
D'où me viennent ces peurs ?
Comment me défaire de mes peurs ?
A quoi m'entraînent mes peurs ?

etc, etc...

J'ai le même âge que Jacques Higelin. Je me souviens l'avoir entendu, au tout début des années 60, chanter à "La Vieille Grille", à Paris, avec Brigitte Fontaine. Déjà, ces deux-là ne s'en laissaient pas conter par la bien pensance et le politiquement correct. La liberté leur servait d'oriflamme. 65 ans plus tard, chacun à sa manière, ils poursuivent leur route, flamboyante, spirituelle, riche et fécondante pour les jeunes générations (les deux enfants de Jacques Higelin l'ont suivi sur son chemin artistique).
Alors quand ce grand bonhomme qui dit aimer par-dessus tout "la grâce" et qu'il termine l'entretien matinal en chantant a capella l'une des plus poétiques chansons de Charles Trenet, son chanteur préféré, alors il faut l'entendre quand il dit : "J'ai peur de la peur".
Et s'interroger. Notre époque le commande.

Nanette

vendredi 9 octobre 2015

TUNISIE - Un Nobel de la Paix tellement mérité !

Encore une fois, les jurés du prix Nobel de la Paix ont fait un joli pied-de-nez à tous les pronostiqueurs ! En attribuant leur prix prestigieux au quartet du dialogue national tunisien, ils font preuve d'une magnifique clairvoyance.
On se souvient comment la situation politique s'embourbait, en Tunisie, après l'enthousiasme des premiers mois de la "révolution du jasmin" en 2011, le départ de Ben Ali, les élections qui avaient porté Ennadha au pouvoir, les assassinats de députés, l'envol du chômage et l'écroulement de l'économie. Le vote à la quasi unanimité de la nouvelle Constitution, en janvier 2014, était porteur de grands espoirs mais trop de difficultés internes -la corruption toujours présente, la menace djihadiste, les mésententes des défenseurs d'une laïcité pure et dure- ont failli faire échouer cette belle révolution tunisienne.
C'est alors que la société civile s'est réveillée ; des membres du patronat (UTICA), du très puissant syndicat UGTT (800 000 adhérents), de la Ligue des Droits de l'Homme et de l'Ordre des Avocats se sont réunis en "Quartet du dialogue national" pour proposer des solutions moins conflictuelles politiquement et permettant une remise en route de l'activité économique du pays. Certes rien n'est gagné et les deux attentats meurtriers du musée du Bardo, en mars dernier, puis de Sousse en juin ont montré la fragilité de la mise en place du processus démocratique. Mais dans le contexte international tellement chaotique actuel, la Tunisie est le seul pays qui parvient à force d'intelligence politique et de maturité collective à faire progresser la démocratie pluraliste.
C'est ce courage et cette ténacité lucide qu'ont voulu saluer les jurés du Nobel, donnant ainsi un grand coup de projecteur en direction de ce petit pays de 10 millions d'habitants, plus que jamais un phare à la fois intellectuel et humain au sein du monde arabo-musulman.

Nanette

mardi 6 octobre 2015

SNCF : le prisonnier et le Bon Samaritain

Allons, tout n'est pas perdu ! Après l'invraisemblable tohu-bohu d'Air France, hier,  je me dois de raconter une belle histoire... Enfin !
Dans le train me conduisant à Paris, la semaine dernière, je vois monter, en gare de Brive-la-Gaillarde je crois, un homme d'une quarantaine d'années, petit, mince, en tee-shirt et jeans, sans bagages à l'exception d'un dossier vert sous le bras. Au contrôleur lui réclamant son billet, l'homme répond : "Je sors de prison, je n'ai pas d'argent". Le contrôleur, très simplement, lui établit l'attestation prévue pour ces cas particuliers et lui souhaite "bon voyage".
L'homme s'installe à ma hauteur et, bientôt, il commence à s'agiter, à marcher dans le couloir, à s'asseoir à nouveau. Discrètement, il roule une cigarette à laquelle il ajoute... quelques brins d'herbe et range la cigarette dans sa poche.
A Limoges monte un jeune homme qui s'assied à côté de lui. Grand, 25 ans environ, les cheveux relevés en catogan, d'un calme impressionnant, il commence à lire et à travailler sur un dossier. L'ex-prisonnier entame la conversation, le grand jeune homme répond, reprend sa lecture puis est à nouveau interrompu et poursuit la conversation avec cet homme qui, manifestement, s'est apaisé. Il va à Reims, ne sait trop comment traverser Paris. Le grand jeune homme tire un plan de Paris de son sac à dos et le lui donne en lui indiquant la gare de l'Est. Un couple de quadragénaires, assis au même niveau de l'autre côté du couloir, a entendu la conversation. Lui, donne à l'ex-prisonnier deux tickets de métro, puis un ticket-restaurant et, lorsque le chariot de restauration arrive à notre niveau, offre un jus de fruit à l'ancien détenu qui n'en revient pas de tant de gentillesse : "C'est la première fois qu'on me donne quelque chose" dit-il très ému.
Jusqu'à l'arrivée à Paris, les deux hommes se parleront. Que se sont-ils dit ? Je l'ignore... Ce que je sais, c'est que ces deux-là sont de belles personnes.
En quittant le wagon, j'ai suivi le grand garçon au catogan : sur son sac à dos était accroché un pin's. "Le lien social plutôt que l'évasion fiscale" était-il écrit... Ils sont partis tous les deux, le grand et le petit, côte à côte comme les plus vieux amis du monde.
J'ai rencontré un Bon Samaritain des temps modernes et j'en suis heureuse pour longtemps...

Nanette

lundi 5 octobre 2015

AIR FRANCE : le DRH s'envoie en l'air...

Par quoi commencer : la belle histoire ou la moche histoire ? Allons, soyons zen, débarrassons-nous de la moche pour finir en beauté !
Depuis ce midi passent en boucle, ou presque, des images incroyables : le DRH d'Air France, Xavier Brosseta, en train d'escalader un grillage, torse nu, un morceau de tissu blanc enroulé autour de son bras gauche, poussé aux fesses par deux costauds du service d'ordre d'Air France... Il saute la barrière grillagée comme un vulgaire migrant aux frontières de la Hongrie, de la Serbie, de la Croatie, de l'Allemagne fuyant les atrocités de DAECH et les bombes tous azimuts. Il saute pour protéger sa vie, ce cadre sup, très sup, qui participait à la réunion organisée par la direction et le Comité Central d'Entreprise de la compagnie nationale au cours de laquelle on devait discuter du plan de restructuration de l'entreprise prévoyant 2 900 suppressions d'emplois. "Il a manqué de se faire lyncher" a constaté un délégué CGT présent à la rencontre qui s'est terminée dans la plus grande confusion après l'arrivée imprévue et tonitruante d'une centaine de salariés dans la salle des négociations. Le service d'ordre a du évacuer le pauvre DRH, malmené et déshabillé de force par les contestataires très énervés, pour le mettre à l'abri... Ironie de l'histoire : dans la bagarre, M. Brosseta n'a conservé que sa cravate autour du cou !
Alors quoi : on en est là ? On perd à ce point la boule qu'on en viendrait à tuer un homme pour espérer sauver des emplois ? Le désespoir des salariés a-t-il atteint une telle  profondeur qu'on en a oublié la moindre réaction de civilité ? Ou bien sont-ils manipulés ? Et par qui ?
On en saura davantage, évidemment, après cet incident plus que regrettable.
N'empêche : Air France, notre compagnie nationale, ne sortira pas grandie de cette affaire vraiment détestable !

Un peu de fraîcheur maintenant. Passons à la belle histoire !

Nanette

lundi 17 août 2015

Ma belle Jacquie...

Elle était programmée pour vivre cent ans. Au moins. Pas de cigarette, tout juste ce qu'il faut de bon vin quand on aime la vie, pas de vie dissolue, un passé de championne d'athlétisme et beaucoup d'amour ! De l'amour à gogo, autant donné que reçu. Tout ce dont on a besoin pour vivre longtemps, longtemps...
Et puis voilà : le méchant crabe s'est installé dans son corps, il y a un peu moins de dix mois. Du moins, il a signalé sa présence en octobre dernier. Parce qu'il devait être là, tapi au creux de son ventre depuis bien plus longtemps mais il a laissé à Jacquie le temps de réaliser sa dernière grande action d'amour : acheter un toit à son fils bienaimé, malmené par les circonstances de la vie. Oh, pas un palais mais juste 30 mètres carrés bien situés et suffisamment confortables pour qu'il ne risque plus de se retrouver à la rue une fois sa bonne fée emportée par le tsunami du crabe.
Alors ce matin, nous nous sommes retrouvés au crématorium autour d'un cercueil blanc supportant une photo de notre rayonnante Jacquie. Bien sûr, diront les raisonneurs, Jacquie avait "déjà" 81 ans ! Un bel âge pour partir ! Mais non, quand on diffuse l'amour et l'amitié avec une telle profusion, sans jugement ni limite, quand on donne sans rien demander en échange, les ans n'ont pas de prise. On est l'éternité.
Notre amitié affiche plus de cinquante ans au compteur du bonheur. Nous avons tout partagé : le temps de la jeunesse et des débuts de la vie amoureuse, le temps des premiers vrais chagrins de maternités difficiles ou impossibles, le temps des déchirures et des divorces, celui des belles amours clandestines et des rencontres inespérées ; le temps des grandes discussions passionnées et des bonnes bouffes partagées ; le temps des fêtes en sororité de solitude alors que tous les copains vivent encore en couple... Ah ! la sublime demi-bouteille de champagne dégustée à deux ce dernier 1er janvier alors que tous les nôtres faisaient la fête ailleurs ! Avec toi, jamais d'aigreur ni de nostalgie. Jamais de parole blessante sur tel ou telle. De la bienveillance toujours. Et cette élégance de tous les instants... Une élégance autant vestimentaire que morale. Jamais une plainte face à l'adversité. Entre nous, tes amis si proches, nous nous interrogions : "Mais comment fait-elle pour supporter tout çà ?" Ta passion de la vie m'a toujours laissée bouche bée. Tes coups de tabac, tu les vivais en toute intimité ; tu nous en parlais une fois le gros de la tempête passé et les larmes séchées.
Alors, pourquoi ce départ ?
J'ai le cœur si lourd...

Nanette

lundi 4 mai 2015

Le mariage de Ben Hur

J'en suis encore toute chamboulée.
Hier dimanche, je suis allée à la messe de 11 heures à ma paroisse. Le prêtre, un Africain de Côte d'Ivoire, commence son homélie par ces mots : "Je voudrais vous raconter ce que j'ai vécu hier après-midi pendant un mariage célébré ici, dit-il. Je suis encore k.o., sonné. J'étais devant l'église avec les invités du mariage. Je ne connaissais pas les mariés ; je cherchais à deviner qui ils étaient. Je vois une jeune femme avec une robe pas terrible, façon robe de mariée des années 50. Je ne voyais pas le marié. On entre dans l'église. Tout le monde s'installe. La mariée et le marié aussi. Et là, qu'est-ce que je vois ? Le marié était déguisé en Ben Hur ! Avec une cuirasse, une toge et une couronne de lauriers sur la tête... Et les invités étaient déguisés aussi ! Il paraît que c'était le thème du mariage... J'étais sonné. Qu'est-ce que je devais faire ? Alors à toute vitesse dans ma tête je repense au droit canon concernant le mariage : y a-t-il "empêchement dirimant" avec tromperie sur l'identité de la personne qui rendrait ce mariage nul ? Ces jeunes ont suivi les cours de préparation au mariage ; c'est vrai on ne dit pas aux futurs époux comment ils doivent s'habiller parce que d'habitude pour son mariage une femme met une belle robe blanche et un homme son plus beau costume ! Qu'est-ce que je devais faire ? J'ai attrapé le crucifix qui est sur l'autel et je leur ai dit en le leur montrant : l'esprit de Dieu est ici ! "
Cette anecdote est loin d'être anodine. Elle a quelque chose de terrifiant : comment a-t-on pu en arriver à ce degré d'inculture, d'irrespect, d'inconscience spirituelle au point de se travestir comme au carnaval au moment de se donner le sacrement de mariage ? Je suis sûre que le jeune couple était totalement inconscient du sens de sa mascarade. Sans doute s'étaient-ils présentés devant le maire dans le même appareil, ce qui, à mes yeux, est tout autant condamnable. L'engagement devant les principes républicains a la même force symbolique que devant Dieu.
A qui revient la responsabilité de révéler la sacramentalité du mariage, la puissance d'un engagement à vie "pour le meilleur et pour le pire", le sens du sacré, de la transcendance ?
D'un coup, j'ai mesuré le fossé abyssal qui s'est creusé dans notre société hautement sécularisée entre les générations... "Autrefois", pour la grande majorité nous vivions une religion culturelle, celle de nos parents et grands-parents sans nous poser trop de questions. Aujourd'hui, ceux qui n'ont pas tout envoyé promener interrogent leurs convictions, leurs doutes, réfléchissent et discernent avec honnêteté sur ce qui constitue l'essence de leur foi. D'autres, souvent pour se rassurer ou par convention sociale, éprouvent le besoin d'utiliser les rites sans trop comprendre leur véritable sens. Alors pourquoi pas se déguiser en Ben Hur, ce héros romain du 1er siècle, prince de Judée et conducteur de chars qui, sous les traits du splendide Charlton Heston, fascina des millions de spectateurs vibrant au péplum de William Wyler, le film aux onze Oscars des années 50 ? Qui ne se souvient avec émotion de la célèbre course de chars, clou du film, qui vit le triomphe de Ben Hur superman ?
 Où est le mal ? Pourquoi chercher noise ? C'était super sympa, cette fête de mariage !
Le prêtre, tout k.o. qu'il était, a pris la bonne décision : il n'a pas empêché le mariage, ce qui aurait provoqué un scandale bien plus grand encore. Mais au fond de lui, dans son intimité bouleversée, il éprouvait plus que du malaise... A la fin de la messe, avant de regagner la sacristie, il lance encore à l'assemblée : "Excusez-moi de vous le dire, ne le prenez pas mal mais j'aimerais bien que vous arriviez à l'heure à la messe ! J'ai commencé avec une église à moitié vide. C'est en Afrique qu'on arrive en retard, pas en France ! La France est un pays civilisé !"
Hier, la déchristianisation de la France m'est apparue infiniment plus profonde que je ne pouvais l'imaginer...

Nanette

mercredi 22 avril 2015

Toute honte bue...

Oserai-je ?
Allez, hop ! Je me jette à l'eau...
J'ai... 74 ans et je viens de prendre mes deux premières leçons de natation. Si, si, je vous assure ! Ne rigolez pas. J'en avais par-dessus la tête d'assister impuissante aux ébats aquatiques de mes copines d'aquagym à qui mon MNS favorite, Stéphanie, ordonnaient des parties de jambes en l'air dans l'eau bouillonnante sans pouvoir les imiter. Impossible de me mettre sur le dos dans l'eau, les bras soutenus par deux frites et les guiboles s'agitant frénétiquement hors de l'eau. Toute penaude entre mes frites, je faisais mine, le buste bien droit, comme assise dans l'eau... Mais je voyais bien qu'il me manquait le plaisir de m'abandonner à l'onde pure... Enfin, presque !
Alors n'écoutant que mon courage, et surtout ne disant rien à mon entourage qui aurait gloussé, je m'en vais de bon matin à la piscine municipale retrouver Stéphanie dans un vrai bassin. Pas une pataugeoire améliorée comme à l'aquagym !
Et là, qu'est-ce que je découvre ? Je ne sais pas respirer ! Comment suis-je arrivée à cet âge vénérable sans savoir respirer ? Mystère... Enfin, je ne sais pas respirer comme Laure Manaudou mais sur terre je ne suis pas mauvaise. Même que je prends trop d'air. J'ai une capacité respiratoire presque hors normes ! Je pourrais traverser toute la piscine en apnée. Mais j'arrive à l'autre bout dans un tel état que je suis haletante, au bord de l'asphyxie. Y'a un truc là-dessous ! Je ne comprends pas. Oh que si, je comprends ! Et trop bien.
En fait, j'ai la trouille. La trouille de ne pas avoir assez d'oxygène, donc de mourir. Alors j'en prends plein les poumons et je ne veux pas le lâcher, ce foutu air vital. Stéphanie me fait mettre la tête sous l'eau en vidant peu à peu mon air. Et çà dure, çà dure... J'en ai tellement là-dedans ! Elle me dit : "Tu restes beaucoup trop longtemps sous l'eau ; 9 secondes, c'est trop ! Je vais te taper sur la tête pour que tu remontes au bout de 5 secondes. Ensuite tu ouvres la bouche et tu reprends de l'air. Et tu replonges".
Ca a l'air simple comme bonjour, ce truc. Je m'exerce sous son regard bienveillant. Peu à peu je découvre : pas besoin de prendre un grand bol d'air avant de mettre la tête sous l'eau. Juste comme si j'étais à l'air libre. Mais sous l'eau je fais comme les poissons : un petit rond avec ma bouche pour expulser tout doucement l'air de mes poumons. Et puis je relève la tête, j'ouvre juste un peu la bouche, je reprends une petite goulée et je replonge... Comme un poisson, je vous dis. Il est là, le truc.
Bizarre : je sens qu'il me pousse des branchies... et que mes oreilles... mais non, je divague !
Avant de retrouver Stéphanie dans le bassin, je vais plonger ma tête dans un grand saladier. Et je vais respirer : 5 secondes sous l'eau, une petite goulée à l'air libre, 5 secondes sous l'eau, une petite goulée à l'air libre...
Rendez-vous dans 10 ans aux Jeux Olympiques. Sur les gradins plutôt.

Nanette

mercredi 1 avril 2015

Mona Ozouf, l'ardente...

Elle "culmine" à 1,60 mètre ; sa chevelure blonde encadre un visage d'une finesse plus que ravissante, son regard bleu ne peut mentir, sa voix presque rauque est inoubliable. En apparence,Mona Ozouf pourrait appartenir à la grande bourgeoisie française. Et pourtant...
Elle était hier soir au vieux temple de Toulouse, face à une salle archi-comble composée d'étudiants de Sciences-Po, de classes préparatoires, de lycéens et de centaines de personnes qui, comme moi, sont fascinées par cette "grande dame" de 84 ans qui vient de publier un incontournable ouvrage d'histoire, "De Révolution en République, les chemins de la France" dans la collection Quarto de Gallimard.

Incontournable si l'on veut comprendre quelque chose à ce que vit la France aujourd'hui à la lumière de ce qu'elle fut naguère. "Aujourd'hui, la France que dessine ce livre semble se dérober à nos yeux, écrit-elle... Toutefois, il arrive à l'histoire de réanimer des enjeux engourdis, et l'apparition de menaces inédites peut redonner de l'éclat à des idées qui semblaient avoir perdu leur force inspiratrice".
 En écoutant Mona Ozouf, tout devient lumineux, cohérent, limpide. Envie de dire : "Mais c'est bien sûr ! Evidemment ! Pardi ! Il suffisait d'y penser !" D'y penser, oui. Car l'érudition de l'historienne est immense mais elle sait la faire passer avec une telle subtilité, une telle grâce qu'on ne se sent jamais insulté dans son ignorance. Mona Ozouf donne à penser, à comprendre, à ressentir, à vivre son identité personnelle de l'intérieur en l'écoutant raconter son propre parcours de petite bretonne du bout du Finistère, élevée à la fois par des parents instituteurs laïcs et une grand'mère catholique portant la coiffe du pays de Léon et emmenant la petite Mona à la messe du dimanche et au catéchisme du jeudi. Quelle subtilité dans les mots pour défendre, en creux, cette appartenance biculturelle tout comme la définition de l'identité nationale. Tout est référence à la France actuelle mais rien n'est dit qui puisse choquer ou soulever une polémique stérile. L'intelligence, la réflexion sont sans cesse sollicitées chez l'auditeur, jamais l'agressivité ou la bêtise...

Ardente et passionnée, Mona Ozouf a passé sa vie à travailler avec les plus grands historiens de notre époque : François Furet, Jacques Ozouf son mari, Pierre Nora et tant d'autres. Aujourd'hui, au soir d'une vie hantée par la compréhension de notre monde, Mona Ozouf nous laisse cet ouvrage en forme de  testament. Il aurait sa place dans l'Arche d'Alliance tant il nous ouvre à la fois l'intelligence et le cœur...
1376 pages, 67 documents. 33 euros seulement !

Nanette

mercredi 18 mars 2015

TUNISIE - Pleure, ô pays bien aimé

Je ne sais pourquoi, il me revient en mémoire le titre de ce livre qui marqua profondément mon adolescence : "Pleure, ô pays bien aimé", de l'Africain du Sud Alan Paton.
La Tunisie, les Tunisiens et tous leurs amis vivent l'horreur depuis cet après-midi ; une horreur qu'une fois encore nous avons pu suivre en direct sur BFMTV : l'intrusion de trois faux soldats armés de kalachnikov dans le musée du Bardo, la prise d'otages d'une centaine de touristes et la mort de 22 personnes dont 17 touristes étrangers, d'une femme de ménage du musée, de deux policiers et de deux terroristes, le 3è ayant été attrapé par les policiers.
Voilà résumé en quelques mots et quelques chiffres un événement d'une gravité aussi radicale que ceux que nous avons vécu à Paris les 7, 8 et 9 janvier derniers : l'assassinat des journalistes de Charlie Hebdo, des clients de l'hyper cascher et de deux policiers.
Alors pourquoi ce livre datant de 1948 et traitant de l'apartheid sud-africain me revient-il de façon lancinante ? A cause sans doute de la beauté de son titre : pleure, ô pays bien aimé.
Oui, pleure, chère Tunisie, pleure sur ta déception immense de voir foulés aux pied, sous les tirs de la kalach mortelle tous les efforts, les trésors d'intelligence et de courage qui se vivent sur ta terre depuis ce magnifique 14 janvier 2011 et son historique "Dégage !" chassant le sinistre Ben Ali.
Pleure sur les ruines qui s'amoncellent jour après jour sur tes espoirs de reconstruction, de renaissance, de remise en route de la démocratie à la tunisienne, c'est-à-dire si différente de la nôtre, corsetée dans notre laïcité gagnée au fil des siècles. C'est trop bête à la fin !
Pays bien aimé aux senteurs de jasmin, au passé millénaire fait de raffinement et de culture, au présent chargé de promesses pour un avenir enfin capable d'associer démocratie, islam et liberté de conscience, ne te laisse pas abattre par le malheur. Tes ennemis sont nos ennemis. On les connait, on tente de les combattre, chacun avec ses armes selon ses responsabilités.
Le peuple tunisien entonnait déjà tout à l'heure, devant le Bardo, cet hymne national qui m'avait tellement ému lorsque je le découvrais chanté par deux mille hommes et femmes au Palais des Congrès de Tunis en mars 2012. Un chant montant de la terre avec la force des vainqueurs, de ceux qui ne se laisseront pas dicter la route à suivre.
Pour la splendeur des mosaïques magnifiées au  Bardo -le plus beau musée qu'il m'ait été donné de voir, avec l'Ermitage- pour la beauté des paysages bibliques des montagnes et des plaines qui ont conservé toute l'histoire de cette contrée, pour la douceur et la chaleur de ces millions de Tunisiens qui ne demandent qu'à vivre en paix, cesse de pleurer, ô ma Tunisie... Sinon, ils auraient gagné !

Nanette

mardi 17 mars 2015

Elections : RE-VO-LU-TION-NAIRE !

Dimanche prochain, nous allons voter pour élire des conseillers départementaux siégeant dans les antiques conseils généraux. Des sondages prédisent plus de 60% d'absentions. Il semblerait que tout le monde -ou presque- se fiche totalement de la gestion de l'action sociale, premier budget du département, de la gestion des collèges et de la voirie etc.
Et pourtant : nous allons vivre une véritable révolution électorale qui risque d'influencer durablement la vie de la société française.
Pour la première fois de notre histoire, nous désignerons un binôme homme/femme en mettant notre bulletin dans l'urne ainsi qu'un second binôme de suppléants. D'où parité complète sur les bancs des assemblées départementales ! Génial ! Il fallait y penser ! La France est ainsi le premier pays au monde à réaliser concrètement cette fameuse parité homme/femme qui rechigne tant à se mettre en place. Du coup on a très sensiblement réduit le nombre de cantons -presque de moitié- et redécoupé les territoires pour un meilleur rééquilibrage du nombre d'électeurs.
Ainsi les bancs des assemblées départementales accueilleront-ils autant d'hommes que de femmes, ce qui se traduira forcément par un autre climat, une autre façon d'aborder les problèmes, notamment sociaux, une autre vision des choses. Et puis, cerise sur le gâteau, la composition du sénat s'en trouvera elle aussi largement bouleversée : ce sont les grands électeurs, autrement dit les conseillers départementaux, qui élisent les sénateurs. Vous verrez que d'ici peu nous aurons une femme présidente du sénat !
On sait qu'en cas de vacance de la Présidence de la République, c'est le président du sénat qui assure l'intérim. D'ici qu'une femme se retrouve à l'Elysée... Par la petite porte peut-être, mais une fois dans la place...

Ce serait tout de même un peu plus intéressant de raconter tout çà aux Français, en ces derniers jours de campagne électorale totalement atone. Tous les medias nous servent la soupe de la famille Le Pen au grand complet : le vieux papa aux calembours suspects, la grande fifille au sourire carnassier et terrifiant, la petite nièce blonde comme Tata et gnaqueuse comme une teigne... A longueur de colonnes, d'émissions, d'interviewes, on ne voit qu'eux, on n'entend qu'eux, nous prédisant un avenir forcément chaotique et insupportable.
A croire que cet abrutissement des masses sert les intérêts d'un camp bien précis !

Nanette

mardi 10 mars 2015

Florence, sauvée par sa mère.

Tristesse. Grande désolation. Après le départ de Cabu et des autres, voilà que c'est au tour de la guerrière Florence Arthaud de tirer sa révérence... Dans un accident d'hélicoptère, ironie du sort... Bien sûr, il y a tous les autres, les neuf autres morts eux aussi dans cette collision tellement improbable.
Mais Florence Arthaud me touche encore plus que les autres. Question d'âge sans doute, de génération. Elle m'a accompagnée, j'ai suivi ses exploits incroyables sur toutes les mers du globe, ses coups de gueule, son courage à couper le souffle. Et aussi sa grande tendresse pour Pierre Bachelet quand ils chantaient ensemble. Ses quelques mots discrets sur sa fille.
Mais ce qui m'émeut peut-être le plus, ce soir en me remémorant le peu que je sais d'elle, c'est le récit qu'elle fit de son sauvetage en mer, une nuit de 2011 au large du Cap corse. J'entends encore sa voix racontant comment, en pleine nuit dans une Méditerranée déchaînée, coincée sous son bateau qui avait chaviré et voyant sa dernière heure arrivée, elle réussit à sortir son téléphone portable de son pantalon et à faire le seul numéro dont elle se souvenait malgré l'horreur du moment : celui de sa mère.
Puissance du cordon ombilical malgré les années, malgré l'indépendance forcenée, la liberté revendiquée et assumée... Au pire moment de son existence, c'est à sa mère que s'accrochait la navigatrice impétueuse avec la force du désespoir. Et c'est grâce à elle que Florence fut sauvée ! Une sorte de deuxième naissance.

A quoi, à qui pensa-t-elle en ces ultimes secondes lorsque les deux hélicoptères se télescopèrent hier à cent mètres d'altitude seulement, devant des dizaines de personnes tétanisées et impuissantes ? Je n'ose l'imaginer...
Déjà la mort de son alter ego, Eric Tabarly, assommé par un morceau de bois de son voilier alors qu'il naviguait seul, m'avait profondément touchée. Celle de Florence Arthaud ravive ce sentiment d'immense tristesse. Hors du commun, ces artistes nous apportent mieux que du rêve ; ils nous enseignent à vivre.

Nanette 

mercredi 18 février 2015

Apaiser la suffocation

Bienfaisant Jean-Claude Guillebaud, l'ami et confrère... Je tombe par hasard (je n'aime pas ranger !) sur son bloc-notes du 27 juin 2013 dans l'hebdomadaire La Vie intitulé "Un renard a surgi !"
Et tout à coup un merveilleux bain de jouvence m'envahit : voilà ce qu'il nous faut en ces temps plus que troublés où les medias nous assaillent en permanence d'horreurs commises sur tous les continents au risque de nous noyer sous des flots de terreur et d'angoisse irrépressible. Des décapitations de journalistes et de musulmans par DAECH en Syrie à celles de coptes égyptiens en Libye en passant par les assassins de Charlie-Hebdo, de l'hyper casher et de Copenhague sans oublier les combats en Ukraine et la fuite éperdue des populations civiles, la profanation du cimetière juif alsacien et maintenant celle du cimetière catholique normand, la suffocation arrive à son comble.

Alors oui, la parole de l'ami Jean-Claude fait du bien : "On ne vit pas que de mots et d'idées, écrit-il. Il faut quelquefois changer de regard, poser son sac, apaiser son esprit". Et de raconter comment, rentrant de nuit dans sa campagne charentaise après quelques jours à Paris, "la tête bourdonnante des comités de rédaction et des débats du jour", il aperçut dans les phares de sa voiture deux chevreuils "qui s'éloignaient sans hâte" puis sans transition surgir un renard devant le capot : "Un vrai bonheur !" s'exclame le journaliste-écrivain, tout à coup replongé dans "la vraie vie, la vie têtue qui perdure dans nos campagnes". Cette double rencontre nocturne, accompagnée d'un moment de contemplation de la nature endormie sous les étoiles, suffit à Jean-Claude Guillebaud pour "remettre d'aplomb tout un monde intérieur". A cette époque, on s'interrogeait en haut lieu pour savoir s'il convenait d'envoyer des troupes en Syrie pour combattre Bachar El Hassad... On est bien loin de ces préoccupations un an et demi plus tard. Aujourd'hui, les conflits se sont disséminé dans tout le Moyen-Orient et l'Afrique ; l'Europe est la cible des terroristes, nos rues sont quadrillées par des militaires en arme et nous avons plus que jamais besoin de doux chevreuils et de malins renards sauvages qui peuplent encore nos forêts ensorcelantes.
Le printemps est à nos portes. Ne le laissons pas filer sans le voir... Il nous aidera à remettre d'aplomb notre monde intérieur.

Nanette

vendredi 23 janvier 2015

France, mon amour 5

çà y est , je l'ai ! Ouf ! Enfin ! J'ai en mains un 1/7 000 000 ème exemplaire du numéro 1178 de "Charlie Hebdo", l'historique, celui qui deviendra collector, comme on dit. Ou bien qui, dans quelques semaines, finira comme les autres journaux, à la poubelle. Ou bien, comme on disait il y a 50 ans à mes débuts "servira à emballer le poisson". Sauf que maintenant, pollution oblige, on n'a plus le droit d'emballer le poisson dans du papier journal.
Le papier, justement, est très beau, glacé, beau grain. Il était comme çà, le "Charlie Hebdo" d'avant ? Je ne sais pas, c'est la première fois que je l'achète, celui des survivants. En tout cas, ils n'ont pas perdu la main, les survivants. Toujours aussi pointus, drôles, peut-être avec une grosse tristesse derrière leurs dessins qui déclenchent le rire, la franche rigolade. Pas encore eu le temps de lire les textes mais je suis sûre qu'ils sont excellents, eux aussi.
C'est drôle, cette impression d'avoir ce journal si chargé d'histoire, déjà, à portée de main. Comme s'il était le témoin, le support de l'aube d'une nouvelle ère... Rêvons, comme le faisaient les Cabu, Wolinski, Charb et les autres.
Le marchand de journaux avait un air "entre deux airs" quand je lui ai demandé, comme chaque jour depuis une semaine, s'il avait encore un Charlie : "Vous êtes inscrite?" m'a-t-il demandé. Non, je suis juste venue chaque jour. Alors il se penche sous son comptoir et me sort un exemplaire, comme s'il s'agissait d'un magazine porno (çà, c'est mon imagination !). J'achète aussi le dernier numéro du "1" entièrement consacré à cette question essentielle "Pourquoi tant de haine ?" et je camoufle mon "Charlie" dans mon "1"... Curieux sentiment : honte ou fierté ? J'ai mon trésor de guerre...
Dans la salle d'attente de mon médecin, quelques minutes pus tard, une vieille dame musulmane assise près de moi lit son Coran en arabe devant tout le monde... Je n'ose pas sortir mon Charlie de mon sac.
Allons, l'esprit du 11 janvier ne fait que commencer à souffler dans les consciences !

Nanette

lundi 19 janvier 2015

France, mon amour 4

Charlie-Hebdo tiré à 7 millions d'exemplaires.
Une foule de 6 millions de catholiques assistant dimanche à la messe du pape à Manille.
Comparaison idiote !
Mais encore :
7 janvier : 7+1 = 8
2015 : 2+1+5 = 8
17 morts : 1+7 = 8
N° de Charlie-Hebdo à 7 millions : 1178 : 1+1+7+8 = 17 ; 1+7 = 8
Nombre de pays européens condamnant le blasphème dans leur constitution : 8

De plus en plus idiot ? Peut-être... Encore que certains peuvent invoquer les astres, la numérologie, les symboles, pourquoi pas le complot des Sages de Sion (tant qu'on y est !) pour tenter de comprendre la secousse sismique qui ébranle la France depuis le 7 janvier. Force 8 sur l'échelle de Richter ! Epicentre à 8 kilomètres sous terre...
On peut délirer à l'infini.

Aujourd'hui 19 janvier, les répliques de ce vertigineux séisme se font toujours sentir. Chez nous les commentateurs s'en donnent à cœur joie avec le plus souvent beaucoup d'intelligence et de lucidité. Les sondeurs sondent à tour de bras ; inouï, du jamais vu : la cote du Président Hollande a bondi de 21 points, s'envolant des profondeurs à 40%. Celle du Premier Ministre prend 17 points et s'affiche à 53%. Quant au merveilleux (le mot n'est pas trop fort) Ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve, il crève tous les plafonds avec 77% de satisfaits. Trop fort ! Son appréciation de la fameuse "une" du Charlie-Hebdo des survivants : "Impertinent et tendre". Quelle belle intelligence !
Revers de la médaille : les pays musulmans s'embrasent. Spontanées ou manipulées, les foules se lâchent avec une violence pain bénit pour les caméras du monde entier. On brûle des drapeaux français et des portraits de François Hollande, on attaque des églises et on menace des ambassades françaises un peu partout, on vocifère plein cadre devant des objectifs parfois complaisants.
Surtout, ne pas se laisser prendre au piège de cette peur que certains aimeraient tant voir déferler sur notre douce France...
Certes, tout reste à faire, de la cave au grenier, pour éradiquer ce fléau du terrorisme. Chacun est appelé, s'il veut que perdure ce magnifique "esprit du 11 janvier", à balayer devant sa propre porte, qu'elle soit petite ou à deux battants ; à inventer, imaginer ce qu'il peut apporter à notre société malade de tant de maux. En toute modestie mais surtout avec la joie au cœur.
Cette joie qui me restera comme le plus merveilleux viatique offert par le peuple de France, ce funeste et fameux dimanche 11 janvier 2015.

Nanette

mardi 13 janvier 2015

France, mon amour 3

Esprit du 11 janvier, es-tu là ?
Ce sera mon mantra pour tous les matins du monde...
Dès le réveil, se poser la question et s'y tenir toute la journée. Se la redire tel un examen de conscience qui doit devenir obsessionnel.
Super nouvelle : le "Traité de la tolérance" de Voltaire est devenu le best-seller éditorial en quelques jours. 120 000 exemplaires envolés ! Des rééditions immédiates. Aux oubliettes les Zemmour, Houellebecq et autre Trierweller... Encore que seul le roman de Houellebecq, que je lis en ce moment, me semble digne d'intérêt par l'acuité de son regard posé sur la réalité française actuelle.
Voltaire, qui ressurgit dans tous les débats et les conversations, voilà une bonne nouvelle ! Le Siècle des Lumières qui a fait se déplacer près de 50 chefs d'Etat et de gouvernement dimanche dernier à Paris a repris de la brillance sur la surface du globe. Même si c'est à cause de la peur inspirée par le terrorisme, peu importe. L'essentiel, c'est l'éveil des consciences. Voltaire, le défenseur de Jean Calas, ce protestant condamné puis exécuté pour avoir tué son fils qui voulait abjurer le protestantisme, obtint sa réhabilitation en fustigeant l'intolérance religieuse dont il fut l'objet. De là ce magnifique "Traité sur la tolérance" publié en 1763. Du fond de sa tombe, le pape des Lumières doit tressaillir d'allégresse...
L'esprit du 11janvier, ce n'est pas seulement la vigilance à la tolérance. C'est encore, inclus dans cette injonction, l'attention bienveillante à l'autre, l'abandon du cynisme pulsionnel, la culture de la seconde spontanéité, celle qui ne cède pas à l'esprit de répartie immédiate et si souvent mortifère etc. La liberté est une ascèse. Qui doit se travailler en permanence.
Il paraît qu'un peu partout, dans tous les cercles, on se surprend à faire attention à l'autre : au Medef, dans les syndicats, dans les rangs des parlementaires, sur son palier et chez son boulanger !
Alleluia !
Le gros du boulot, et là nous en prenons pour des décennies, c'est au cœur de notre société qu'il se situe. Et d'abord dans les écoles, à commencer par la maternelle. Respecter les règles les plus basiques, comme se lever et dire bonjour à l'arrivée de l'enseignant dans la classe. Peut-être, comme le suggérait François Fillion ce matin sur France Inter, reprendre l'uniforme qui gomme les différences et surtout ne donne pas à l'apparence vestimentaire plus d'importance qu'elle n'en a.
Toutes ces pensées me donnent le vertige...
Nous sommes au bord d'une ère nouvelle. Saurons-nous nous en montrer dignes ?

Nanette

lundi 12 janvier 2015

France, mon amour 2

Envie de continuer à ressentir.
Impossible d'écrire pour de vrai ; seulement comme çà, comme je le sens.
Fierté, dilation du cœur, explosion de joie intime, non partageable parfois.
Envie de fermer le poste radio pour rester avec mon bonheur.
Penser à ceux qui sont morts, Cabu le si gentil avec qui j'ai passé une journée si délicieuse dans les années 80, je crois, en vagabondage dans les Pyrénées à la recherche de l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'ours... Déjeuner ensemble au Berry à Pau avec ma fille Emmanuelle toute gamine mais qui s'en souvient, puis visite aux halles à la crémière Mme Labarrère, la mère du maire ! Cabu lui parlant tout en la croquant...
Deux grands frissons : on a sauvé la liberté, la liberté d'expression et la liberté tous azimuts ; et puis on a sauvé le vivre ensemble, tous semblables pour s'aimer toutes religions confondues, pour partager, pour ne pas se tuer. Par la kalach ou par les mots !
Fierté encore pour être sous la protection de cette loi de 1905 qui nous protège de tous les fanatismes et qui, trop souvent, est mal comprise, vilipendée par les extrêmes, par les radicaux souvent cathos, disons-le ! Loi unique au monde...
Fol espoir pour que cette merveilleuse journée du 11 janvier 2015 soit enfin l'acte 1de la création d'une Europe politique et non plus seulement économique et financière.
Allons, le temps presse, l'heure est à la douche et à la vaisselle d'hier soir laissée telle quelle dans l'évier... Les petits-enfants viennent déjeuner, je dois préparer le repas, me préparer à les accueillir et à trouver les mots pour leur raconter tout çà...

Nanette

dimanche 11 janvier 2015

France, mon amour

Bonheur, joie, tendresse, soulagement : enfin çà y est ! Nous nous sommes réveillés ! Nous voilà décomplexés, dilatés ! Il nous a fallu un monstrueux électrochoc pour qu'enfin nous comprenions.
Nous, le peuple de France, nous voilà en pleine catharsis. En grand nettoyage idéologique, humain ; nous voilà pris aux tripes autant qu'au cœur et à l'intelligence.
Il nous en a fallu du temps, des mini secousses jusqu'à la grande secousse tellurique de mercredi matin avec le carnage de Charlie-Hebdo et ses douze assassinés puis le meurtre de cette jeune policière, vendredi à Montrouge et encore vendredi après-midi ces quatre morts supplémentaires dans l'épicerie casher de la Porte de Vincennes. Dix-sept morts au total, sans compter les blessés dont certains encore entre la vie et la mort. Depuis mercredi, toute la France est en état de sidération, des millions de français découvrent la réalité du terrorisme à leur porte. Ce ne sont plus les décapitations à des milliers de kilomètres de chez nous.

Pas envie ce soir, alors que la grande marche de Paris n'est pas encore terminée, alors que les 85 délégations étrangères et les 44 chefs d'Etat et de gouvernement sont encore chez nous, de philosopher sur les raisons et les conséquences de ce tsunami sociétal.
Non, ce soir j'ai seulement envie de crier ma joie devant ce magnifique redressement de notre colonne vertébrale collective. Enfin nous existons ! Adieu la sinistrose, la dépression nationale, le dépérissement communautaire...
Hier je marchais dans les rues de Toulouse avec 120 000 citoyens. De partout surgissaient des dessins façon Cabu, Charb, Wolinski. L'un d'eux m'a remplie d'espoir : "Balles tragiques à Charlie-Hebdo : 12 morts". Allons, la relève est assurée ; de l'insolent et magnifique "Bal tragique à Colombey : un mort" qui salua la mort de De Gaulle à la une de Hara-Kiri et lui valut l'interdiction de paraître, nous pouvons aujourd'hui continuer à rire avec les dessinateurs de la nouvelle génération ! Le flambeau est repris. L'intelligence est au pouvoir, le rire ne mourra pas.
 Et la "douce France" chère à Trenet redeviendra notre douce France, si heureuse d'accueillir l'humanité entière dans sa grande diversité...
Mais que de travail en perspective !
Ah oui, tout de même : balayées les "manif pour tous" de l'an dernier qui croyaient représenter "la vraie France" avec leurs certitudes et  en nous assénant leurs convictions moralisatrices.
Il flotte sur la France, ces jours-ci, un air autrement léger et revivifiant.

Nanette