mercredi 22 avril 2015

Toute honte bue...

Oserai-je ?
Allez, hop ! Je me jette à l'eau...
J'ai... 74 ans et je viens de prendre mes deux premières leçons de natation. Si, si, je vous assure ! Ne rigolez pas. J'en avais par-dessus la tête d'assister impuissante aux ébats aquatiques de mes copines d'aquagym à qui mon MNS favorite, Stéphanie, ordonnaient des parties de jambes en l'air dans l'eau bouillonnante sans pouvoir les imiter. Impossible de me mettre sur le dos dans l'eau, les bras soutenus par deux frites et les guiboles s'agitant frénétiquement hors de l'eau. Toute penaude entre mes frites, je faisais mine, le buste bien droit, comme assise dans l'eau... Mais je voyais bien qu'il me manquait le plaisir de m'abandonner à l'onde pure... Enfin, presque !
Alors n'écoutant que mon courage, et surtout ne disant rien à mon entourage qui aurait gloussé, je m'en vais de bon matin à la piscine municipale retrouver Stéphanie dans un vrai bassin. Pas une pataugeoire améliorée comme à l'aquagym !
Et là, qu'est-ce que je découvre ? Je ne sais pas respirer ! Comment suis-je arrivée à cet âge vénérable sans savoir respirer ? Mystère... Enfin, je ne sais pas respirer comme Laure Manaudou mais sur terre je ne suis pas mauvaise. Même que je prends trop d'air. J'ai une capacité respiratoire presque hors normes ! Je pourrais traverser toute la piscine en apnée. Mais j'arrive à l'autre bout dans un tel état que je suis haletante, au bord de l'asphyxie. Y'a un truc là-dessous ! Je ne comprends pas. Oh que si, je comprends ! Et trop bien.
En fait, j'ai la trouille. La trouille de ne pas avoir assez d'oxygène, donc de mourir. Alors j'en prends plein les poumons et je ne veux pas le lâcher, ce foutu air vital. Stéphanie me fait mettre la tête sous l'eau en vidant peu à peu mon air. Et çà dure, çà dure... J'en ai tellement là-dedans ! Elle me dit : "Tu restes beaucoup trop longtemps sous l'eau ; 9 secondes, c'est trop ! Je vais te taper sur la tête pour que tu remontes au bout de 5 secondes. Ensuite tu ouvres la bouche et tu reprends de l'air. Et tu replonges".
Ca a l'air simple comme bonjour, ce truc. Je m'exerce sous son regard bienveillant. Peu à peu je découvre : pas besoin de prendre un grand bol d'air avant de mettre la tête sous l'eau. Juste comme si j'étais à l'air libre. Mais sous l'eau je fais comme les poissons : un petit rond avec ma bouche pour expulser tout doucement l'air de mes poumons. Et puis je relève la tête, j'ouvre juste un peu la bouche, je reprends une petite goulée et je replonge... Comme un poisson, je vous dis. Il est là, le truc.
Bizarre : je sens qu'il me pousse des branchies... et que mes oreilles... mais non, je divague !
Avant de retrouver Stéphanie dans le bassin, je vais plonger ma tête dans un grand saladier. Et je vais respirer : 5 secondes sous l'eau, une petite goulée à l'air libre, 5 secondes sous l'eau, une petite goulée à l'air libre...
Rendez-vous dans 10 ans aux Jeux Olympiques. Sur les gradins plutôt.

Nanette

mercredi 1 avril 2015

Mona Ozouf, l'ardente...

Elle "culmine" à 1,60 mètre ; sa chevelure blonde encadre un visage d'une finesse plus que ravissante, son regard bleu ne peut mentir, sa voix presque rauque est inoubliable. En apparence,Mona Ozouf pourrait appartenir à la grande bourgeoisie française. Et pourtant...
Elle était hier soir au vieux temple de Toulouse, face à une salle archi-comble composée d'étudiants de Sciences-Po, de classes préparatoires, de lycéens et de centaines de personnes qui, comme moi, sont fascinées par cette "grande dame" de 84 ans qui vient de publier un incontournable ouvrage d'histoire, "De Révolution en République, les chemins de la France" dans la collection Quarto de Gallimard.

Incontournable si l'on veut comprendre quelque chose à ce que vit la France aujourd'hui à la lumière de ce qu'elle fut naguère. "Aujourd'hui, la France que dessine ce livre semble se dérober à nos yeux, écrit-elle... Toutefois, il arrive à l'histoire de réanimer des enjeux engourdis, et l'apparition de menaces inédites peut redonner de l'éclat à des idées qui semblaient avoir perdu leur force inspiratrice".
 En écoutant Mona Ozouf, tout devient lumineux, cohérent, limpide. Envie de dire : "Mais c'est bien sûr ! Evidemment ! Pardi ! Il suffisait d'y penser !" D'y penser, oui. Car l'érudition de l'historienne est immense mais elle sait la faire passer avec une telle subtilité, une telle grâce qu'on ne se sent jamais insulté dans son ignorance. Mona Ozouf donne à penser, à comprendre, à ressentir, à vivre son identité personnelle de l'intérieur en l'écoutant raconter son propre parcours de petite bretonne du bout du Finistère, élevée à la fois par des parents instituteurs laïcs et une grand'mère catholique portant la coiffe du pays de Léon et emmenant la petite Mona à la messe du dimanche et au catéchisme du jeudi. Quelle subtilité dans les mots pour défendre, en creux, cette appartenance biculturelle tout comme la définition de l'identité nationale. Tout est référence à la France actuelle mais rien n'est dit qui puisse choquer ou soulever une polémique stérile. L'intelligence, la réflexion sont sans cesse sollicitées chez l'auditeur, jamais l'agressivité ou la bêtise...

Ardente et passionnée, Mona Ozouf a passé sa vie à travailler avec les plus grands historiens de notre époque : François Furet, Jacques Ozouf son mari, Pierre Nora et tant d'autres. Aujourd'hui, au soir d'une vie hantée par la compréhension de notre monde, Mona Ozouf nous laisse cet ouvrage en forme de  testament. Il aurait sa place dans l'Arche d'Alliance tant il nous ouvre à la fois l'intelligence et le cœur...
1376 pages, 67 documents. 33 euros seulement !

Nanette