mardi 13 octobre 2015

"J'ai peur de la peur"

Juste une petite réflexion qui me trotte dans la tête depuis hier matin, après avoir entendu le merveilleux entretien, sur France Inter, entre Jacques Higelin et Augustin Trapenard.
- Quelle est votre peur ?" interroge le journaliste.
- J'ai peur de la peur" répond l'artiste, chanteur, compositeur, danseur etc.

Tout est dit dans ces quelques mots.
Pas besoin d'en rajouter. Il suffit d'y repenser, encore et encore...
De quoi, de qui n'ai-je PAS peur ?
Pourquoi ai-je peur ?
D'où me viennent ces peurs ?
Comment me défaire de mes peurs ?
A quoi m'entraînent mes peurs ?

etc, etc...

J'ai le même âge que Jacques Higelin. Je me souviens l'avoir entendu, au tout début des années 60, chanter à "La Vieille Grille", à Paris, avec Brigitte Fontaine. Déjà, ces deux-là ne s'en laissaient pas conter par la bien pensance et le politiquement correct. La liberté leur servait d'oriflamme. 65 ans plus tard, chacun à sa manière, ils poursuivent leur route, flamboyante, spirituelle, riche et fécondante pour les jeunes générations (les deux enfants de Jacques Higelin l'ont suivi sur son chemin artistique).
Alors quand ce grand bonhomme qui dit aimer par-dessus tout "la grâce" et qu'il termine l'entretien matinal en chantant a capella l'une des plus poétiques chansons de Charles Trenet, son chanteur préféré, alors il faut l'entendre quand il dit : "J'ai peur de la peur".
Et s'interroger. Notre époque le commande.

Nanette

vendredi 9 octobre 2015

TUNISIE - Un Nobel de la Paix tellement mérité !

Encore une fois, les jurés du prix Nobel de la Paix ont fait un joli pied-de-nez à tous les pronostiqueurs ! En attribuant leur prix prestigieux au quartet du dialogue national tunisien, ils font preuve d'une magnifique clairvoyance.
On se souvient comment la situation politique s'embourbait, en Tunisie, après l'enthousiasme des premiers mois de la "révolution du jasmin" en 2011, le départ de Ben Ali, les élections qui avaient porté Ennadha au pouvoir, les assassinats de députés, l'envol du chômage et l'écroulement de l'économie. Le vote à la quasi unanimité de la nouvelle Constitution, en janvier 2014, était porteur de grands espoirs mais trop de difficultés internes -la corruption toujours présente, la menace djihadiste, les mésententes des défenseurs d'une laïcité pure et dure- ont failli faire échouer cette belle révolution tunisienne.
C'est alors que la société civile s'est réveillée ; des membres du patronat (UTICA), du très puissant syndicat UGTT (800 000 adhérents), de la Ligue des Droits de l'Homme et de l'Ordre des Avocats se sont réunis en "Quartet du dialogue national" pour proposer des solutions moins conflictuelles politiquement et permettant une remise en route de l'activité économique du pays. Certes rien n'est gagné et les deux attentats meurtriers du musée du Bardo, en mars dernier, puis de Sousse en juin ont montré la fragilité de la mise en place du processus démocratique. Mais dans le contexte international tellement chaotique actuel, la Tunisie est le seul pays qui parvient à force d'intelligence politique et de maturité collective à faire progresser la démocratie pluraliste.
C'est ce courage et cette ténacité lucide qu'ont voulu saluer les jurés du Nobel, donnant ainsi un grand coup de projecteur en direction de ce petit pays de 10 millions d'habitants, plus que jamais un phare à la fois intellectuel et humain au sein du monde arabo-musulman.

Nanette

mardi 6 octobre 2015

SNCF : le prisonnier et le Bon Samaritain

Allons, tout n'est pas perdu ! Après l'invraisemblable tohu-bohu d'Air France, hier,  je me dois de raconter une belle histoire... Enfin !
Dans le train me conduisant à Paris, la semaine dernière, je vois monter, en gare de Brive-la-Gaillarde je crois, un homme d'une quarantaine d'années, petit, mince, en tee-shirt et jeans, sans bagages à l'exception d'un dossier vert sous le bras. Au contrôleur lui réclamant son billet, l'homme répond : "Je sors de prison, je n'ai pas d'argent". Le contrôleur, très simplement, lui établit l'attestation prévue pour ces cas particuliers et lui souhaite "bon voyage".
L'homme s'installe à ma hauteur et, bientôt, il commence à s'agiter, à marcher dans le couloir, à s'asseoir à nouveau. Discrètement, il roule une cigarette à laquelle il ajoute... quelques brins d'herbe et range la cigarette dans sa poche.
A Limoges monte un jeune homme qui s'assied à côté de lui. Grand, 25 ans environ, les cheveux relevés en catogan, d'un calme impressionnant, il commence à lire et à travailler sur un dossier. L'ex-prisonnier entame la conversation, le grand jeune homme répond, reprend sa lecture puis est à nouveau interrompu et poursuit la conversation avec cet homme qui, manifestement, s'est apaisé. Il va à Reims, ne sait trop comment traverser Paris. Le grand jeune homme tire un plan de Paris de son sac à dos et le lui donne en lui indiquant la gare de l'Est. Un couple de quadragénaires, assis au même niveau de l'autre côté du couloir, a entendu la conversation. Lui, donne à l'ex-prisonnier deux tickets de métro, puis un ticket-restaurant et, lorsque le chariot de restauration arrive à notre niveau, offre un jus de fruit à l'ancien détenu qui n'en revient pas de tant de gentillesse : "C'est la première fois qu'on me donne quelque chose" dit-il très ému.
Jusqu'à l'arrivée à Paris, les deux hommes se parleront. Que se sont-ils dit ? Je l'ignore... Ce que je sais, c'est que ces deux-là sont de belles personnes.
En quittant le wagon, j'ai suivi le grand garçon au catogan : sur son sac à dos était accroché un pin's. "Le lien social plutôt que l'évasion fiscale" était-il écrit... Ils sont partis tous les deux, le grand et le petit, côte à côte comme les plus vieux amis du monde.
J'ai rencontré un Bon Samaritain des temps modernes et j'en suis heureuse pour longtemps...

Nanette

lundi 5 octobre 2015

AIR FRANCE : le DRH s'envoie en l'air...

Par quoi commencer : la belle histoire ou la moche histoire ? Allons, soyons zen, débarrassons-nous de la moche pour finir en beauté !
Depuis ce midi passent en boucle, ou presque, des images incroyables : le DRH d'Air France, Xavier Brosseta, en train d'escalader un grillage, torse nu, un morceau de tissu blanc enroulé autour de son bras gauche, poussé aux fesses par deux costauds du service d'ordre d'Air France... Il saute la barrière grillagée comme un vulgaire migrant aux frontières de la Hongrie, de la Serbie, de la Croatie, de l'Allemagne fuyant les atrocités de DAECH et les bombes tous azimuts. Il saute pour protéger sa vie, ce cadre sup, très sup, qui participait à la réunion organisée par la direction et le Comité Central d'Entreprise de la compagnie nationale au cours de laquelle on devait discuter du plan de restructuration de l'entreprise prévoyant 2 900 suppressions d'emplois. "Il a manqué de se faire lyncher" a constaté un délégué CGT présent à la rencontre qui s'est terminée dans la plus grande confusion après l'arrivée imprévue et tonitruante d'une centaine de salariés dans la salle des négociations. Le service d'ordre a du évacuer le pauvre DRH, malmené et déshabillé de force par les contestataires très énervés, pour le mettre à l'abri... Ironie de l'histoire : dans la bagarre, M. Brosseta n'a conservé que sa cravate autour du cou !
Alors quoi : on en est là ? On perd à ce point la boule qu'on en viendrait à tuer un homme pour espérer sauver des emplois ? Le désespoir des salariés a-t-il atteint une telle  profondeur qu'on en a oublié la moindre réaction de civilité ? Ou bien sont-ils manipulés ? Et par qui ?
On en saura davantage, évidemment, après cet incident plus que regrettable.
N'empêche : Air France, notre compagnie nationale, ne sortira pas grandie de cette affaire vraiment détestable !

Un peu de fraîcheur maintenant. Passons à la belle histoire !

Nanette