jeudi 9 juin 2016

SNCF - Les papillons blancs

Grève... Grève... Grève... Notre train "intercités" s'étire le long du quai tel un cortège de chenilles processionnaires... On a ajouté des wagons aux wagons pour permettre à un maximum de passagers de profiter de cet unique train  ralliant Marseille à Bordeaux en ce jour de pénurie.
Me voilà donc confortablement installée dans un siège, en ce lundi matin, gare St-Charles. Je n'ai même pas essayeé de changer mon billet. D'ailleurs dans ces cas-là on ne voit jamais de contrôleur pendant le voyage. Nous partons à l'heure. L'ambiance est calme, détendue. On se parle, on papote avec son voisin. Le temps est superbe alors qu'à Paris et dans tout le nord du pays, c'est la catastrophe ; les inondations, les voitures parties au fil de l'eau, les maisons sous les eaux... Les plus modestes ruinés.
Ne nous plaignons pas. Savourons notre chance d'habiter dans cette partie de la France !
Arles... Nîmes devrait bientôt approcher.
Voilà que le train ralentit, s'arrête en rase campagne. Nous sommes entourés de champs, de bocages, d'herbes hautes. Les minutes passent... Personne ne s'impatiente. Un couple espagnol tente de s'informer ; ils vont à Barcelone et risquent de rater leur correspondance. Une dame leur traduit la situation, tout sereinement. Ah bon ! Ils s'y feront !
Au micro, le conducteur du train nous informe : des manifestants occupent la voie et empêchent notre train de poursuivre sa route. Nous voilà bien !
Le nez collé à la fenêtre, j'admire : des centaines de papillons blancs volètent dans les champs, dansent dans le soleil, caracolent à travers les bosquets. Fraîcheur de la vie éphémère. Ils vont et viennent des deux côtés du train, sans autre souci que de vivre.
La CGT ? Sud-Rail ? La loi travail ? Les pneus en flammes ? Le stations-services asséchées ? Les centrales nucléaires et les raffineries bloquées ? Les tonnes d'ordures sur les trottoirs ? Les avions cloués au sol? Le Louvre et le musée d'Orsay fermés ?
De quoi tu me parles ?
Apprécie la beauté du monde !

Nouvelle info : la police a fait évacuer les manifestants. On va repartir ! Encore une bonne demi-heure et le train s'ébranle en effet. A l'intérieur de mon wagon, personne ne s'est impatienté.
Pendant une heure, j'ai vécu avec eux, ces papillons blancs nés des chenilles processionnaires urticantes détestées de tous... C'était bien, c'était beau, c'était chouette !
Le soir sur mon ordinateur, un mail de la SNCF : elle rembourse tous les billets, y compris ceux non remboursables et non échangeables.
Non mais : faut pas pousser Mémé dans les papillons blancs quand même !
Une heure magique passée au milieu de centaines de papillons blancs, çà vaut bien un billet tout de même !

Nanette