jeudi 19 novembre 2015

ATTENTATS - Houellebecq a perdu

Michel Houellebecq a perdu. Son dernier livre, "Soumission", nous avait glacé le sang. Un livre à ne pas mettre entre toutes les mains, disais-je à mes amis tant il m'avait laissé une profonde impression de descente aux enfers. Une sorte d'anéantissement préludant à l'effondrement total et définitif de la France dont les institutions, et en priorité la Sorbonne, étaient tombées aux mains des islamistes... Un mauvais rêve, disait la 4è de couverture, une fable, disaient les fans de l'écrivain faisant les gorges chaudes dans les salons germanopratins, toujours prompts à se gausser des esprits simples... Le peuple français entrait dans un nouveau modèle de société sans même s'en rendre compte, sans le moindre soubresaut ni la plus légère résistance. En toute inconsistance.
Ce livre, mis en vente en librairie le 7 janvier dernier, le jour de la tuerie à Charlie Hebdo, partit comme des petits pains : plus de 600 000 exemplaires vendus en France, 200 000 en Italie, autant en Allemagne etc.
Et puis il y eut 1e 11 janvier et ses 4 millions de Français dans les rues pour dire "Même pas peur" et "Nous sommes Charlie".

Et puis il y a eu le vendredi 13 novembre... Et ses 129 morts. Et ses 352 blessés. Paris K.O. debout. La France sidérée, pétrifiée, statufiée... Attaquée dans ses fondations les plus spécifiques.
Est-ce que tout allait recommencer ? Les "Même pas peur" criés en tremblant ? Est-ce que Houellebecq aurait gagné ? Serions-nous planqués sous nos couettes, derrière nos volets, annulant nos voyages en train, en avion, n'osant plus prendre le bus ou le métro ? Ne sachant comment parler de tout ce carnage à nos enfants muets d'angoisse ? N'osant plus nous arrêter pour boire un verre à une terrasse, prendre un billet de cinéma ou de théâtre ? Allions-nous, nous aussi, mourir de peur ? "J'ai peur de la peur" disait l'autre matin Jacques Higelin sur France Inter, quelques jours avant ce funeste 13 novembre. Nous y étions.
Et bien non : le scénario ne s'est pas reproduit. Cette fois, c'est toute la France qui a réagi, toutes classes sociales confondues, toutes générations mais surtout, ô enfin ! les plus jeunes. Merveilleux lycéens entonnant spontanément la Marseillaise dans la cour de la Sorbonne -celle-là que Houellebecq avait rebaptisé Université Islamique de la Sorbonne- tandis que François Hollande quittait les lieux après la minute de silence. Merveilleux amis du monde entier illuminant les monuments les plus symboliques de tous les pays des trois couleurs de notre drapeau en hommage à notre culture, à notre histoire, à notre art de vivre... Merveilleux 17 millions de Français qui communient avec les spectateurs du stade de Wembley, à Londres, Anglais et Français chantant ensemble la Marseillaise en préambule à un match de foot. Merveilleux élus de la nation réunis en congrès au château de Versailles pour entendre un discours d'homme d'Etat de François Hollande qui, eux aussi, chantent l'hymne national à pleins poumons ! D'ailleurs, ils n'en finissent plus, nos élus de tous bords, de chanter la Marseillaise : au rassemblement des maires de France, à l'Assemblée Nationale cet après-midi encore. Ils votent des lois à la quasi unanimité : 551 contre 6 aujourd'hui pour étendre l'état d'urgence à 3 mois.

Ce qui me réjouit le cœur, au milieu de tant de désastres et de souffrances, c'est que j'ai le sentiment que tous ces gens ne sont pas morts pour rien. Nous les "vieux", nous avons connu les guerres, les attentats de l'OAS à Paris et tant d'autres. Nous savons que la vie est toujours plus forte que la mort mais que le prix à payer est terrible. Nous connaissons le prix de la liberté et du bonheur de vivre. Nos jeunes le découvrent aujourd'hui et voilà qu'ils nous émerveillent par leur courage, leur esprit de résistance et leur volonté farouche de ne pas céder à la tentation de l'effondrement, chère à Houellebecq...

Nanette