mercredi 26 février 2014

Paco de Lucia à Marciac

Paco de Lucia, l'immense et discret maître du flamenco contemporain, s'en est donc allé, bêtement  d'une crise cardiaque au Mexique, à 66 ans.
Entendant l'annonce de cette disparition, ce matin à la radio, m'est tout à coup revenue en mémoire cette incroyable soirée vécue l'été dernier au festival de jazz de Marciac. Paco de Lucia en était la vedette, avec tous ses amis gitans. Ce fut, pour moi du moins, la plus belle fête de tout le festival. La perfection même, l'épure de cet art si ardent, si fougueux, porteur de la passion la plus violente et la plus douce. Entouré de ses amis musiciens, chanteurs et danseur, Paco de Lucia livra le meilleur de lui-même, concentré, vibrant, maître incontesté et pourtant ne s'autorisant pas le moindre racolage. Sous l'immense chapiteau, plus de 5000 spectateurs n'en perdaient pas une note, ni de son jeu à la sa guitare, ni de l'incroyable spectacle donné, offert devrais-je dire, par son jeune danseur véritablement habité par une transe surhumaine.
Oui, cette soirée restera unique dans ma mémoire.
Tout comme le cadeau que mes hôtes très chers me firent à l'issue de ce beau moment : une aquarelle peinte sur le lieu même du concert par une artiste allemande assise face à la scène et signée par Paco de Lucia à l'issue de son spectacle.
Que d'émotion aujourd'hui dans ce tableau !

Nanette

dimanche 23 février 2014

Fière et grave Ukraine

Bonheur encore en ce début de nuit en voyant se dérouler sous nos yeux, minute après minute, la résurrection d'un peuple, civilisé et grave... Oui, ce furent de magnifiques moments que ces longues heures vécues en direct sur la place Maïdan de Kiev qui, quelques jours plus tôt, était le théâtre d'un meurtre collectif voulu par un tyran lâche et corrompu.
Ils étaient 50 000 hier soir, sur cette place, à attendre l'arrivée de Ioulia Timochenko, tout juste libérée de prison après deux ans d'enfermement. Des milliers d'hommes et de femmes graves, silencieux, sachant trop bien que cette victoire s'écrivait avec le sang d'une centaine de leurs camarades tombés sous les balles de la police. L'heure n'était donc pas à l'explosion d'une joie bruyante mais à la reconnaissance intime pour le sacrifice de ces camarades morts pour la liberté. La blonde Ioulia, fragile dans son fauteuil roulant, n'en finissait pas de crier sa joie, sa reconnaissance pour ces héros mais aussi de demander pardon au nom de tous les hommes politiques de son pays pour n'avoir pas su entendre la voix du peuple. Moments forts, inoubliables de dignité et de fierté.

Le peuple ukrainien est en train de démontrer au monde entier sa maturité et son sens de la responsabilité. Il fallait voir, dans l'après-midi, toutes ces familles, enfants dans les poussettes ou juchés sur les épaules paternelles, parcourir les hectares de la propriété privée du président déchu, Ianoukovitch, admirer éberlués les ridicules constructions néo-classiques s'étalant dans les jardins, découvrir en collant leurs regards aux fenêtres de la maison le luxe des aménagements intérieurs. Comme s'il s'agissait d'une banale promenade dominicale dans un jardin public... Le peuple ukrainien prenait la mesure de l'immense duperie dont il est victime depuis des décennies. Mais chez lui, nulle hystérie, aucune réaction de violence ou de vengeance. Enfui, déjà englouti dans les oubliettes de l'Histoire, Ianoukovitch ne méritait pas un peuple de cette trempe.
Depuis trois mois, 24 heures sur 24, les Ukrainiens ont occupé pacifiquement la place Maïdan. Des grands mères, sac à main dans la main gauche, pavé dans la main droite, ont participé à l'œuvre collective de libération. La population s'est organisée pour tenir, malgré tout ; les blessés soignés tant bien que mal dans le hall des grands hôtels, les morts recouverts de couvertures, les femmes apportant de la nourriture, les combattants se protégeant derrière des boucliers de fortune, sans arme autre que des bâtons et des couteaux ; des prêtres orthodoxes venant prier avec eux sur la place.
Quelle différence avec les scènes de barbarie auxquelles nous avons assisté avec les exécutions sommaires de Saddam Hussein et de Mohamed Khadafi ; la pendaison en direct de Hussein, le lynchage puis l'exécution de Khadafi !
En Ukraine, tout reste à faire. Il s'agit maintenant de diplomatie, de jeux savants entre Poutine, Obama, l'Europe. Le peuple, lui, ne se laissera pas voler sa victoire, soyons-en sûrs...

Nanette

jeudi 20 février 2014

Geneviève et Germaine au Panthéon

Voilà une belle et bonne décision de la part de notre Président : Geneviève Anthonioz-De Gaulle, et Germaine Tillon vont rejoindre les "Grands Hommes" du Panthéon. Pour respecter la parité, François Hollande a choisi de leur adjoindre deux hommes au destin dramatique : Pierre Brossolette, grand résistant qui, arrêté en 1944, préféra se défenestrer plutôt que de risquer de parler sous la torture et Jean Zay, homme politique assassiné en juin 1944.
C'est toute la Résistance qui, derrière Jean Moulin, entre ainsi au Panthéon.
Geneviève Anthonioz-De Gaulle, nièce du général De Gaulle, fut déportée et internée à Ravensbrück pour faits de Résistance ; plus tard elle consacra sa vie à la défense des plus pauvres. Présidente de l'association ATD-Quart Monde, elle mit toutes ses forces et son humanité dans ces universités populaires, chères au Père Joseph Wrezinski, le fondateur d'ATD-Quart Monde, où les plus délaissés du lumpen prolétariat apprennent à retrouver une identité et un visage humain. Sur son expérience à Ravensbrück, Geneviève Anthonioz-De Gaulle a écrit un petit livre tout en profonde pudeur, "La traversée de la nuit". Seule femme à avoir été élevée au grade de Grand Croix de la Légion d'Honneur, elle est décédée à 82 ans.
Germaine Tillon, morte à près de 101 ans en 2008, fait partie de cette race de femmes que rien n'arrête. Ethnologue spécialiste de l'Afrique, politiquement engagée à gauche, elle participa très activement à la Résistance, ce qui lui valut d'être également déportée à Ravensbrück. Toute sa vie, elle défendit la libération des peuples, fustigea la colonisation et se battit pour l'émancipation féminine. Magnifique figure de femme contemporaine.
Au Panthéon, où les attendent soixante-et-onze gloires nationales, elles retrouveront les deux autres femmes déjà "panthéonisées" : Marie Curie, l'illustrissime physicienne deux fois Prix Nobel, de physique avec son mari Pierre en 1903, et de chimie, seule, en 1911 ; et Sophie Berthelot, l'épouse du chimiste Marcellin Berthelot.

Pourquoi avoir transféré Sophie Berthelot au Panthéon avec son mari en 1907 ? Peut-être pour la simple raison qu'elle était morte quinze minutes avant lui... Une belle preuve d'amour.
Marie Curie, elle à qui l'humanité doit tant et qui mourut des conséquences de ses travaux sur la radioactivité, dut attendre 1995 pour gravir la montagne Sainte-Geneviève et être enterrée au Panthéon...

Nanette