mardi 28 octobre 2014

TUNISIE : vox populi, vox Dei

Les urnes ont parlé. Et bien parlé, en dépit des apparences pour certains.
Nous ne connaissons pas encore les résultats définitifs de ces premières élections législatives en Tunisie mais déjà nous connaissons l'essentiel : le nouveau parti Nidaa Tounes, créé en 2012, arrive en tête des suffrages et emporte quelque 80 sièges au Parlement tandis que le parti islamiste Ennadha est 2è et devrait avoir huit sièges de moins que Nidaa Tounes. Ce qui n'est tout de même pas synonyme de bérézina !
Lors des élections de 2011, Ennadha avait emporté 89 sièges sur 217 ; un record ! Et les partis laïcs, de gauche et d'extrême-gauche s'étaient perdus dans un émiettement fatal. Faute d'avoir su s'entendre, ils ont laissé le champ libre aux islamistes d'Ennadha, beaucoup mieux organisés, structurés en véritable parti politique fort de ses 34% de votants aux premières élections.
Aujourd'hui, les partis d'extrême-gauche et du centre sont laminés.
 Les membres d'Ennadha ont beaucoup appris pendant ces trois années et leur chef charismatique Rached Ghannouchi, a fait preuve d'une grande intelligence politique en se débarrassant des encombrants salafistes qui voulaient imposer la charia dans la constitution, en laissant le pouvoir en cours de mandat aux autres partis et aux technocrates -alors que la situation économique devenait chaque jour plus catastrophique !- et, hier, en allant féliciter son adversaire vainqueur, l'inaltérable BCE, Béji Caïd Esselbi qui, à 88 ans, a toutes les chances de devenir le nouveau président de la République, début décembre... Ce BCE, les électeurs l'ont plébiscité comme le seul homme politique véritablement fort du pays. Successivement ministre de l'Intérieur, de la Défense et des Affaires Etrangères sous l'ère Bourguiba, il a été député sous Ben Ali, président de l'Assemblée puis Premier Ministre intérimaire au début de la révolution du jasmin. Qui dit mieux pour reprendre les rênes du pouvoir pendant cette période délicate qui s'ouvre aujourd'hui ? Il va falloir "inventer le post-islamisme" comme l'écrit Luc de Barochez dans "L'Opinion" de ce jour, "montrer la voie aux autres pays arabes, du moins la voie de la liberté et de la modération" comme le dit Philippe Gélie dans "Le Figaro", savoir faire redémarrer l'économie avec l'aide et le soutien de la société civile tunisienne, "la plus éclairée du monde arabe". Et conserver l'islam, la religion du pays inscrite dans la Constitution, a la place qu'elle doit avoir dans la vie des Tunisiens. Ni plus ni moins.
Les députés d'Ennadha, du moins ceux qui ont été réélus (comme notre chère Mérhézia Labidi, maintenant députée de Nabeul) ou qui viennent de l'être (comme notre amie Sayida, jeune doctorante en sociologie à la Sorbonne, élue des Tunisiens de France nord), une fois leur déception passée, pourront prendre toute leur place dans la vie parlementaire tunisienne et y faire entendre leur voix, à la fois démocratique, féministe, éclairée, compétente, forgée par l'expérience et le courage.
La politique est l'art du compromis, c'est bien connu ! Le chemin est long et caillouteux, pour ne pas dire semé parfois de monstrueux rochers qu'il faut apprendre à contourner.
Mais aussi n'oublions pas l'adage : vox populi, vox Dei !
La Tunisie nous donne aujourd'hui une belle leçon de maturité politique.
 Goûtons notre plaisir... si rare en ces temps barbares !

Nanette

mercredi 1 octobre 2014

Vagabondage autour de mon lit

Encore un anniversaire : voilà 4 ans aujourd'hui que j'ai lancé tous azimuts planétaires (!) ce petit blog sans prétention, vecteur innocent de mes humeurs...
C'est rigolo, parfois excitant, parfois intimidant, le plus souvent une drôle de mise en bouche d'une nouvelle journée.
En guise de cadeau d'anniversaire, j'offre à mon "petit blog" un florilège de citations attrapées au vol au milieu des livres qui, actuellement, s'entassent autour de mon lit.

Des auteurs qui, souvent, m'accompagnent depuis des années :
- "Le fondement de la capacité d'être seul est l'expérience vécue d'être seul en présence de quelqu'un" ; "l'enfant qui n'a pas acquis la capacité d'être seul est toujours dans un état d'immaturité et de dépendance ou de réactions face aux empiètements de l'environnement". Du génial psychanalyste britannique Donald W. Winnicott dans un article publié en 1958.
- "Le prêtre et l'imam" offrant un dialogue sans fard, vif et profond entre Tareq Oubrou, imam de la mosquée de Bordeaux et le Père Christophe Roucou, responsable du Service national pour les Relations avec l'Islam (SRI), publié chez Bayard : un entretien à lire absolument en ces temps de paranoïa généralisée où il est si difficile de garder bon sens et équilibre au milieu du flot d'informations déversées en continu dans la plupart des medias ! Un livre efficace et vigoureux pour qui veut bien ne pas céder au chant des sirènes du malheur et de la barbarie.
- Dans la même veine, mais totalement laïc : lire et relire le petit essai d'Edwy Plenel, "Pour les musulmans", à La Découverte. Le co-fondateur du site Mediapart défend d'une superbe plume "nos compatriotes d'origine, de culture ou de croyance musulmanes contre ceux qui les érigent en boucs émissaires de nos inquiétudes et de nos incertitudes", s'en prenant au premier chef à l'académicien Alain Finkielkraut affirmant un matin de juin 2014 sur les ondes de France Inter : "Il y a un problème de l'islam en France". Du "J'accuse" de Zola défendant le capitaine Dreyfus à "Toutes les civilisations ne se valent pas" de Claude Guéant alors ministre de l'Intérieur au printemps 2012 auquel répondit Serge Letchimy, député de la Martinique, qu'il s'agissait là d'une "injure faite à l'homme", Edwy Plenel argumente solidement sa pensée pour conclure en souhaitant que chacun s'attelle à la tâche de préserver "ce monde commun qu'il nous revient de construire tous ensemble, et non pas de détruire en sombrant dans la guerre de tous contre tous. Ce monde si fragile et si incertain dont les divinités secrètes se nomment la beauté et la bonté. C'est en leur nom qu'il faut dire non à l'ombre qui approche..."
- enfin, mon cher et beau Christian Bobin, dont la poésie illumine tant d'existences ! "La vie, je la trouve dans ce qui m'interrompt, me coupe, me blesse, me contredit..." Et encore, au sujet l'existence de Dieu : "Prouver est un désir de savant ou de policier. Accueillir est un désir d'amoureux". Et encore à propos des puissants : "Il faudra leur arracher ce dont ils sont le plus avares : un regard délivré de tout mépris. Un regard humain, simplement".


Nanette