vendredi 23 janvier 2015

France, mon amour 5

çà y est , je l'ai ! Ouf ! Enfin ! J'ai en mains un 1/7 000 000 ème exemplaire du numéro 1178 de "Charlie Hebdo", l'historique, celui qui deviendra collector, comme on dit. Ou bien qui, dans quelques semaines, finira comme les autres journaux, à la poubelle. Ou bien, comme on disait il y a 50 ans à mes débuts "servira à emballer le poisson". Sauf que maintenant, pollution oblige, on n'a plus le droit d'emballer le poisson dans du papier journal.
Le papier, justement, est très beau, glacé, beau grain. Il était comme çà, le "Charlie Hebdo" d'avant ? Je ne sais pas, c'est la première fois que je l'achète, celui des survivants. En tout cas, ils n'ont pas perdu la main, les survivants. Toujours aussi pointus, drôles, peut-être avec une grosse tristesse derrière leurs dessins qui déclenchent le rire, la franche rigolade. Pas encore eu le temps de lire les textes mais je suis sûre qu'ils sont excellents, eux aussi.
C'est drôle, cette impression d'avoir ce journal si chargé d'histoire, déjà, à portée de main. Comme s'il était le témoin, le support de l'aube d'une nouvelle ère... Rêvons, comme le faisaient les Cabu, Wolinski, Charb et les autres.
Le marchand de journaux avait un air "entre deux airs" quand je lui ai demandé, comme chaque jour depuis une semaine, s'il avait encore un Charlie : "Vous êtes inscrite?" m'a-t-il demandé. Non, je suis juste venue chaque jour. Alors il se penche sous son comptoir et me sort un exemplaire, comme s'il s'agissait d'un magazine porno (çà, c'est mon imagination !). J'achète aussi le dernier numéro du "1" entièrement consacré à cette question essentielle "Pourquoi tant de haine ?" et je camoufle mon "Charlie" dans mon "1"... Curieux sentiment : honte ou fierté ? J'ai mon trésor de guerre...
Dans la salle d'attente de mon médecin, quelques minutes pus tard, une vieille dame musulmane assise près de moi lit son Coran en arabe devant tout le monde... Je n'ose pas sortir mon Charlie de mon sac.
Allons, l'esprit du 11 janvier ne fait que commencer à souffler dans les consciences !

Nanette

lundi 19 janvier 2015

France, mon amour 4

Charlie-Hebdo tiré à 7 millions d'exemplaires.
Une foule de 6 millions de catholiques assistant dimanche à la messe du pape à Manille.
Comparaison idiote !
Mais encore :
7 janvier : 7+1 = 8
2015 : 2+1+5 = 8
17 morts : 1+7 = 8
N° de Charlie-Hebdo à 7 millions : 1178 : 1+1+7+8 = 17 ; 1+7 = 8
Nombre de pays européens condamnant le blasphème dans leur constitution : 8

De plus en plus idiot ? Peut-être... Encore que certains peuvent invoquer les astres, la numérologie, les symboles, pourquoi pas le complot des Sages de Sion (tant qu'on y est !) pour tenter de comprendre la secousse sismique qui ébranle la France depuis le 7 janvier. Force 8 sur l'échelle de Richter ! Epicentre à 8 kilomètres sous terre...
On peut délirer à l'infini.

Aujourd'hui 19 janvier, les répliques de ce vertigineux séisme se font toujours sentir. Chez nous les commentateurs s'en donnent à cœur joie avec le plus souvent beaucoup d'intelligence et de lucidité. Les sondeurs sondent à tour de bras ; inouï, du jamais vu : la cote du Président Hollande a bondi de 21 points, s'envolant des profondeurs à 40%. Celle du Premier Ministre prend 17 points et s'affiche à 53%. Quant au merveilleux (le mot n'est pas trop fort) Ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve, il crève tous les plafonds avec 77% de satisfaits. Trop fort ! Son appréciation de la fameuse "une" du Charlie-Hebdo des survivants : "Impertinent et tendre". Quelle belle intelligence !
Revers de la médaille : les pays musulmans s'embrasent. Spontanées ou manipulées, les foules se lâchent avec une violence pain bénit pour les caméras du monde entier. On brûle des drapeaux français et des portraits de François Hollande, on attaque des églises et on menace des ambassades françaises un peu partout, on vocifère plein cadre devant des objectifs parfois complaisants.
Surtout, ne pas se laisser prendre au piège de cette peur que certains aimeraient tant voir déferler sur notre douce France...
Certes, tout reste à faire, de la cave au grenier, pour éradiquer ce fléau du terrorisme. Chacun est appelé, s'il veut que perdure ce magnifique "esprit du 11 janvier", à balayer devant sa propre porte, qu'elle soit petite ou à deux battants ; à inventer, imaginer ce qu'il peut apporter à notre société malade de tant de maux. En toute modestie mais surtout avec la joie au cœur.
Cette joie qui me restera comme le plus merveilleux viatique offert par le peuple de France, ce funeste et fameux dimanche 11 janvier 2015.

Nanette

mardi 13 janvier 2015

France, mon amour 3

Esprit du 11 janvier, es-tu là ?
Ce sera mon mantra pour tous les matins du monde...
Dès le réveil, se poser la question et s'y tenir toute la journée. Se la redire tel un examen de conscience qui doit devenir obsessionnel.
Super nouvelle : le "Traité de la tolérance" de Voltaire est devenu le best-seller éditorial en quelques jours. 120 000 exemplaires envolés ! Des rééditions immédiates. Aux oubliettes les Zemmour, Houellebecq et autre Trierweller... Encore que seul le roman de Houellebecq, que je lis en ce moment, me semble digne d'intérêt par l'acuité de son regard posé sur la réalité française actuelle.
Voltaire, qui ressurgit dans tous les débats et les conversations, voilà une bonne nouvelle ! Le Siècle des Lumières qui a fait se déplacer près de 50 chefs d'Etat et de gouvernement dimanche dernier à Paris a repris de la brillance sur la surface du globe. Même si c'est à cause de la peur inspirée par le terrorisme, peu importe. L'essentiel, c'est l'éveil des consciences. Voltaire, le défenseur de Jean Calas, ce protestant condamné puis exécuté pour avoir tué son fils qui voulait abjurer le protestantisme, obtint sa réhabilitation en fustigeant l'intolérance religieuse dont il fut l'objet. De là ce magnifique "Traité sur la tolérance" publié en 1763. Du fond de sa tombe, le pape des Lumières doit tressaillir d'allégresse...
L'esprit du 11janvier, ce n'est pas seulement la vigilance à la tolérance. C'est encore, inclus dans cette injonction, l'attention bienveillante à l'autre, l'abandon du cynisme pulsionnel, la culture de la seconde spontanéité, celle qui ne cède pas à l'esprit de répartie immédiate et si souvent mortifère etc. La liberté est une ascèse. Qui doit se travailler en permanence.
Il paraît qu'un peu partout, dans tous les cercles, on se surprend à faire attention à l'autre : au Medef, dans les syndicats, dans les rangs des parlementaires, sur son palier et chez son boulanger !
Alleluia !
Le gros du boulot, et là nous en prenons pour des décennies, c'est au cœur de notre société qu'il se situe. Et d'abord dans les écoles, à commencer par la maternelle. Respecter les règles les plus basiques, comme se lever et dire bonjour à l'arrivée de l'enseignant dans la classe. Peut-être, comme le suggérait François Fillion ce matin sur France Inter, reprendre l'uniforme qui gomme les différences et surtout ne donne pas à l'apparence vestimentaire plus d'importance qu'elle n'en a.
Toutes ces pensées me donnent le vertige...
Nous sommes au bord d'une ère nouvelle. Saurons-nous nous en montrer dignes ?

Nanette

lundi 12 janvier 2015

France, mon amour 2

Envie de continuer à ressentir.
Impossible d'écrire pour de vrai ; seulement comme çà, comme je le sens.
Fierté, dilation du cœur, explosion de joie intime, non partageable parfois.
Envie de fermer le poste radio pour rester avec mon bonheur.
Penser à ceux qui sont morts, Cabu le si gentil avec qui j'ai passé une journée si délicieuse dans les années 80, je crois, en vagabondage dans les Pyrénées à la recherche de l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'ours... Déjeuner ensemble au Berry à Pau avec ma fille Emmanuelle toute gamine mais qui s'en souvient, puis visite aux halles à la crémière Mme Labarrère, la mère du maire ! Cabu lui parlant tout en la croquant...
Deux grands frissons : on a sauvé la liberté, la liberté d'expression et la liberté tous azimuts ; et puis on a sauvé le vivre ensemble, tous semblables pour s'aimer toutes religions confondues, pour partager, pour ne pas se tuer. Par la kalach ou par les mots !
Fierté encore pour être sous la protection de cette loi de 1905 qui nous protège de tous les fanatismes et qui, trop souvent, est mal comprise, vilipendée par les extrêmes, par les radicaux souvent cathos, disons-le ! Loi unique au monde...
Fol espoir pour que cette merveilleuse journée du 11 janvier 2015 soit enfin l'acte 1de la création d'une Europe politique et non plus seulement économique et financière.
Allons, le temps presse, l'heure est à la douche et à la vaisselle d'hier soir laissée telle quelle dans l'évier... Les petits-enfants viennent déjeuner, je dois préparer le repas, me préparer à les accueillir et à trouver les mots pour leur raconter tout çà...

Nanette

dimanche 11 janvier 2015

France, mon amour

Bonheur, joie, tendresse, soulagement : enfin çà y est ! Nous nous sommes réveillés ! Nous voilà décomplexés, dilatés ! Il nous a fallu un monstrueux électrochoc pour qu'enfin nous comprenions.
Nous, le peuple de France, nous voilà en pleine catharsis. En grand nettoyage idéologique, humain ; nous voilà pris aux tripes autant qu'au cœur et à l'intelligence.
Il nous en a fallu du temps, des mini secousses jusqu'à la grande secousse tellurique de mercredi matin avec le carnage de Charlie-Hebdo et ses douze assassinés puis le meurtre de cette jeune policière, vendredi à Montrouge et encore vendredi après-midi ces quatre morts supplémentaires dans l'épicerie casher de la Porte de Vincennes. Dix-sept morts au total, sans compter les blessés dont certains encore entre la vie et la mort. Depuis mercredi, toute la France est en état de sidération, des millions de français découvrent la réalité du terrorisme à leur porte. Ce ne sont plus les décapitations à des milliers de kilomètres de chez nous.

Pas envie ce soir, alors que la grande marche de Paris n'est pas encore terminée, alors que les 85 délégations étrangères et les 44 chefs d'Etat et de gouvernement sont encore chez nous, de philosopher sur les raisons et les conséquences de ce tsunami sociétal.
Non, ce soir j'ai seulement envie de crier ma joie devant ce magnifique redressement de notre colonne vertébrale collective. Enfin nous existons ! Adieu la sinistrose, la dépression nationale, le dépérissement communautaire...
Hier je marchais dans les rues de Toulouse avec 120 000 citoyens. De partout surgissaient des dessins façon Cabu, Charb, Wolinski. L'un d'eux m'a remplie d'espoir : "Balles tragiques à Charlie-Hebdo : 12 morts". Allons, la relève est assurée ; de l'insolent et magnifique "Bal tragique à Colombey : un mort" qui salua la mort de De Gaulle à la une de Hara-Kiri et lui valut l'interdiction de paraître, nous pouvons aujourd'hui continuer à rire avec les dessinateurs de la nouvelle génération ! Le flambeau est repris. L'intelligence est au pouvoir, le rire ne mourra pas.
 Et la "douce France" chère à Trenet redeviendra notre douce France, si heureuse d'accueillir l'humanité entière dans sa grande diversité...
Mais que de travail en perspective !
Ah oui, tout de même : balayées les "manif pour tous" de l'an dernier qui croyaient représenter "la vraie France" avec leurs certitudes et  en nous assénant leurs convictions moralisatrices.
Il flotte sur la France, ces jours-ci, un air autrement léger et revivifiant.

Nanette