dimanche 23 février 2014

Fière et grave Ukraine

Bonheur encore en ce début de nuit en voyant se dérouler sous nos yeux, minute après minute, la résurrection d'un peuple, civilisé et grave... Oui, ce furent de magnifiques moments que ces longues heures vécues en direct sur la place Maïdan de Kiev qui, quelques jours plus tôt, était le théâtre d'un meurtre collectif voulu par un tyran lâche et corrompu.
Ils étaient 50 000 hier soir, sur cette place, à attendre l'arrivée de Ioulia Timochenko, tout juste libérée de prison après deux ans d'enfermement. Des milliers d'hommes et de femmes graves, silencieux, sachant trop bien que cette victoire s'écrivait avec le sang d'une centaine de leurs camarades tombés sous les balles de la police. L'heure n'était donc pas à l'explosion d'une joie bruyante mais à la reconnaissance intime pour le sacrifice de ces camarades morts pour la liberté. La blonde Ioulia, fragile dans son fauteuil roulant, n'en finissait pas de crier sa joie, sa reconnaissance pour ces héros mais aussi de demander pardon au nom de tous les hommes politiques de son pays pour n'avoir pas su entendre la voix du peuple. Moments forts, inoubliables de dignité et de fierté.

Le peuple ukrainien est en train de démontrer au monde entier sa maturité et son sens de la responsabilité. Il fallait voir, dans l'après-midi, toutes ces familles, enfants dans les poussettes ou juchés sur les épaules paternelles, parcourir les hectares de la propriété privée du président déchu, Ianoukovitch, admirer éberlués les ridicules constructions néo-classiques s'étalant dans les jardins, découvrir en collant leurs regards aux fenêtres de la maison le luxe des aménagements intérieurs. Comme s'il s'agissait d'une banale promenade dominicale dans un jardin public... Le peuple ukrainien prenait la mesure de l'immense duperie dont il est victime depuis des décennies. Mais chez lui, nulle hystérie, aucune réaction de violence ou de vengeance. Enfui, déjà englouti dans les oubliettes de l'Histoire, Ianoukovitch ne méritait pas un peuple de cette trempe.
Depuis trois mois, 24 heures sur 24, les Ukrainiens ont occupé pacifiquement la place Maïdan. Des grands mères, sac à main dans la main gauche, pavé dans la main droite, ont participé à l'œuvre collective de libération. La population s'est organisée pour tenir, malgré tout ; les blessés soignés tant bien que mal dans le hall des grands hôtels, les morts recouverts de couvertures, les femmes apportant de la nourriture, les combattants se protégeant derrière des boucliers de fortune, sans arme autre que des bâtons et des couteaux ; des prêtres orthodoxes venant prier avec eux sur la place.
Quelle différence avec les scènes de barbarie auxquelles nous avons assisté avec les exécutions sommaires de Saddam Hussein et de Mohamed Khadafi ; la pendaison en direct de Hussein, le lynchage puis l'exécution de Khadafi !
En Ukraine, tout reste à faire. Il s'agit maintenant de diplomatie, de jeux savants entre Poutine, Obama, l'Europe. Le peuple, lui, ne se laissera pas voler sa victoire, soyons-en sûrs...

Nanette

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