lundi 17 août 2015

Ma belle Jacquie...

Elle était programmée pour vivre cent ans. Au moins. Pas de cigarette, tout juste ce qu'il faut de bon vin quand on aime la vie, pas de vie dissolue, un passé de championne d'athlétisme et beaucoup d'amour ! De l'amour à gogo, autant donné que reçu. Tout ce dont on a besoin pour vivre longtemps, longtemps...
Et puis voilà : le méchant crabe s'est installé dans son corps, il y a un peu moins de dix mois. Du moins, il a signalé sa présence en octobre dernier. Parce qu'il devait être là, tapi au creux de son ventre depuis bien plus longtemps mais il a laissé à Jacquie le temps de réaliser sa dernière grande action d'amour : acheter un toit à son fils bienaimé, malmené par les circonstances de la vie. Oh, pas un palais mais juste 30 mètres carrés bien situés et suffisamment confortables pour qu'il ne risque plus de se retrouver à la rue une fois sa bonne fée emportée par le tsunami du crabe.
Alors ce matin, nous nous sommes retrouvés au crématorium autour d'un cercueil blanc supportant une photo de notre rayonnante Jacquie. Bien sûr, diront les raisonneurs, Jacquie avait "déjà" 81 ans ! Un bel âge pour partir ! Mais non, quand on diffuse l'amour et l'amitié avec une telle profusion, sans jugement ni limite, quand on donne sans rien demander en échange, les ans n'ont pas de prise. On est l'éternité.
Notre amitié affiche plus de cinquante ans au compteur du bonheur. Nous avons tout partagé : le temps de la jeunesse et des débuts de la vie amoureuse, le temps des premiers vrais chagrins de maternités difficiles ou impossibles, le temps des déchirures et des divorces, celui des belles amours clandestines et des rencontres inespérées ; le temps des grandes discussions passionnées et des bonnes bouffes partagées ; le temps des fêtes en sororité de solitude alors que tous les copains vivent encore en couple... Ah ! la sublime demi-bouteille de champagne dégustée à deux ce dernier 1er janvier alors que tous les nôtres faisaient la fête ailleurs ! Avec toi, jamais d'aigreur ni de nostalgie. Jamais de parole blessante sur tel ou telle. De la bienveillance toujours. Et cette élégance de tous les instants... Une élégance autant vestimentaire que morale. Jamais une plainte face à l'adversité. Entre nous, tes amis si proches, nous nous interrogions : "Mais comment fait-elle pour supporter tout çà ?" Ta passion de la vie m'a toujours laissée bouche bée. Tes coups de tabac, tu les vivais en toute intimité ; tu nous en parlais une fois le gros de la tempête passé et les larmes séchées.
Alors, pourquoi ce départ ?
J'ai le cœur si lourd...

Nanette

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