mardi 5 avril 2011

Douceur percheronne

Une longue et belle amitié m'a permis de découvrir, il y a quelques jours, un petit bout de province trop peu connu : le Perche. Terre d'Histoire, de Belles Lettres, d'amitiés raffinées et discrètes. Rencontres improbables et pourtant réelles...
A La Ferté-Vidame, bourgade de 800 habitants, majoritairement des Parisiens "secondaires" et des lettrés ayant posé leur sac -et parfois leur fardeau- dans ce pays verdoyant et paisible, le duc de Saint-Simon écrivit les 4 000 pages de ses Mémoires qui firent trembler le monde politique du XVIIIè siècle au point qu'elles ne furent intégralement publiées que bien longtemps après sa mort...
Un jour qu'il venait au château de La Ferté-Vidame pour cause de festival littéraire, Michel Jobert se prit d'un amour soudain et irrépressible pour la petite chapelle de Reveillon, toute proche du bourg, à tel point qu'il demandât d'être enterré dans le petit cimetière qui entoure cette chapelle. Personne n'y avait été enterré depuis des lustres. Pourquoi donc l'ancien Ministre des Affaires Etrangères de Georges Pompidou, né au Maroc et marié à une Américaine, a-t-il tant voulu reposer à jamais au coeur de cette douceur percheronne, loin de tous les siens et loin des fastes de la République ? Le mémorialiste et  le ministre étaient, l'un et l'autre, de petite taille et sans doute en ont-ils souffert en silence. L'un et l'autre, doués d'une intelligence fulgurante et d'une lucidité terrible, ont compris bien plus qu'ils ne pouvaient en laisser paraître. Plutôt éminences grises que matamores batifolant aux premières loges, ils surent conseiller les princes qui nous gouvernent et garder leurs jardins secrets. Une communion de pensée les réunit au-delà des apparences.
Après avoir bataillé pour obtenir l'autorisation d'être enterré avec sa femme sur la commune de la Ferté-Vidame, dans ce charmant petit cimetière aux senteurs printanières, Michel Jobert y repose depuis 2002, son épouse l'ayant précédé en 1999.
Du Bellay a chanté "la douceur angevine". Michel Jobert, lui, en choisissant ce petit coin de paradis pour dernière demeure, a inventé à son insu "la douceur percheronne".

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