samedi 1 mars 2014

Guillaume Gallienne : ave, César !

L'Académie du cinéma a remis hier soir ses récompenses à l'ensemble de la profession pour l'année 2013. Guillaume Gallienne est sorti grand vainqueur de la compétition avec cinq César pour son film autobiographique tiré de sa pièce de théâtre : "Les garçons et Guillaume, à table !" dont j'avais dit ici, voici quelques semaines, tout le bien que je pensais.
César du meilleur film et du meilleur premier film, du meilleur acteur, du meilleur montage et de la meilleure adaptation. Le film a déjà enregistré plus de 2,5 millions d'entrées et a bénéficié d'une excellente couverture médiatique, Guillaume Gallienne, pensionnaire de la Comédie Française, étant par ailleurs chroniqueur hebdomadaire sur France Inter d'une émission littéraire de très bonne qualité.
Peut-on déduire de ces quelques précisions le quasi flop enregistré par l'autre film en compétition qui, lui, avait raflé déjà une montagne de récompenses prestigieuses, "La vie d'Adèle", Palme d'Or à Cannes, prix Louis Delluc et tant d'autres trophées glanés à l'étranger ? Le film d'A. Kechiche, lui aussi encensé par la critique, n'a pourtant attiré qu'un million de spectateurs en France et n'a remporté qu'un César, celui du meilleur espoir féminin attribué à la jeune Adèle. Quant au troisième film en compétition, traitant lui aussi d'homosexualité, "L'inconnu du lac", l'un de ses héros a reçu le César du meilleur espoir masculin.

Quatre mille représentants de la profession cinématographique participent au vote, ce qui peut laisser penser que les intrigues et les manipulations -qui existent certainement- sont tout de même minimes. Alors ces résultats reflètent-ils un certain état d'esprit de notre société ? Je serais tentée de le croire, notamment concernant notre attitude vis-à-vis de la quête de l'identité sexuelle, question tellement débattue en France depuis des mois !
Guillaume Gallienne a choisi de poser le problème sur le mode de la comédie et traite, si je puis dire, le sujet en creux : son entourage et en premier lieu sa mère le veulent homosexuel, et il s'emploiera, à force d'un courageux parcours du combattant, à se prouver à lui-même et aux autres qu'il ne l'est pas !
Adèle vivra, elle, une expérience extrêmement douloureuse, violente, à la fois destructrice et perverse de la découverte de l'homosexualité à vif, crue, sans modération. Le réalisateur aborde le sujet de plein fouet, avec des scènes, longuement décrites dans les medias, qui en ont découragé plus d'un d'aller voir ce film. Quant à "L'inconnu du lac" -que je n'ai pas vu- il semble qu'il parle de l'homosexualité masculine plus classiquement mais aussi en images très explicites.

Notre société, travaillée par la question du mariage homosexuel, du genre, de l'éducation sexuelle à l'école, n'est-elle pas un peu lasse de tous ces débordements ? N'a-t-elle pas envie d'un peu de pudeur et de retenue sur ces sujets touchant à notre intimité ? A force de déverser sans modération des mots, des idées, des a priori, des clichés, des images, des reportages et que sais-je encore, exposant, décortiquant nos questionnements les plus intimes, n'en est-on pas arrivé à plébisciter un film qui, sans être un chef d'œuvre cinématographique, parle de ce sujet avec pudeur et retenue, avec légèreté et tendresse, respect et courage ?
Alors tant mieux si Guillaume Gallienne, ce garçon si "bien élevé", si "comédien français" dans son élocution même et sa façon très XVIIIème siècle de dire avec une si belle émotion contenue : "Quelle soirée, nom de bleu !" est reparti chez lui croulant sous les César ! Tant mieux pour lui et pour le cinéma français... Les cinq statuettes sculptées par César ont fait de lui l'empereur de la soirée !
Mauvaise note, par contre, pour les cameramen insistant avec impudeur sur le visage de Julie Gayet, assise dans le public, nommée elle aussi pour un César (qu'elle n'a pas eu !) pour son petit rôle dans le film "Quai d'Orsay". Elle était en compétition avec la mère de Carla Bruni, elle aussi nommée pour sa participation dans un film de sa fille, Valérie. People, quand tu nous tiens...
Heureusement, c'est l'admirable Sandrine Kimberlain qui a reçu la statuette de la meilleure actrice pour son interprétation de magistrate coincée dans le film d'Albert Dupontel "Neuf mois ferme".
Et l'inaltérable Roman Polanski s'est vu remettre lui aussi un César, celui du meilleur réalisateur, pour sa "Vénus à la fourrure" qui ne comptabilise, pour l'instant, que 125 000 entrées...
Les voies des César sont impénétrables...

Nanette

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