mardi 15 avril 2014

Gentils bigames

Comme ils étaient charmants, ces deux-là, candides et pleins de fraîcheur dans leur adolescence qui nous rappelait la nôtre... Comme on a aimé les entendre et les réentendre sur la platine de notre Teppaz trônant dans notre chambre aux murs tapissés de photos de Gérard Philipe, de Jean-Pierre Pedrazzini, de doubles pages de Paris-Match reproduisant les tableaux de Paul Gauguin à Tahiti...
Oui, ils ont accompagné nos rêveries adolescentes, ces deux-là, le doux et tendre Adamo, le beau et héroïque Hugues Auffray !
Et puis les voilà, blanchis sous le harnois, hier soir pendant plus de deux heures chez Mireille Dumas, la grande accoucheuse de stars, se livrant sans fard, avec une sincérité qui nous les rendait si proches. Nos grands frères !
Le cher Salvatore à la voix inclassable, "comme celle d'Aznavour" dit-il lui-même, sur laquelle on n'aurait pas parié une lire à son arrivée de Sicile et qui, à 70 ans, continue de remplir les salles et à faire chavirer les dames, toutes générations confondues ! Quelle gentillesse, quel amour profond anime cet homme-là quand il raconte ce que fut sa vie ! Le petit Sicilien arrivé dans les corons de Belgique avec ses parents, chassés de chez eux par la misère, n'en revient toujours pas du parcours qui fut le sien. Les bluettes ont fait sa fortune, la chansonnette qu'on fredonne sur la planète entière mais surtout au Japon où il a quasiment rang d'icône hante notre mémoire. Grâce aux documents d'archives on découvre peu à peu ce qui fut son drame : en 1966, sur une plage de Sicile, ce père adoré qui déjà l'accompagne dans ses tournées et lui sert de mentor se précipite dans la mer pour sauver une petite cousine. La vague les emporte tous les deux. Adamo a 23 ans ; il se retrouve chef de famille, responsable de sa mère et de 6 petits frères et sœurs. Pas question de se dérober. Salvatore est à l'aube de sa carrière, jamais il n'abandonnera sa famille, quoi qu'il lui en coûte. Tout jeune, il épouse Nicole, son amie d'enfance. Heureux époux, heureux père, artiste comblé, richissime, un cœur gros comme çà...

Hugues Auffray, c'est l'éternel cow-boy. Le beau gosse à la voix de séducteur, inoubliable, chaleureuse. Il gratte la guitare avec élégance. Il est l'aisance personnifiée. Pas étonnant avec la mère qu'il a eue, grande aristocrate gasconne, tandis que son père était lui aussi "bien né".
Très tôt, Hugues quitte le domicile familial où la discorde s'est établie entre les parents. Un divorce simplifie les choses mais l'adolescent hante les rues de Paris, la guitare à la main et s'essaie à la chanson. La suite, on la connaît : à près de 85 ans, Hugues Auffray, crinière au vent, santiagues aux pieds, poursuit sa route de bête de scène avec une fougue défiant tous les gériatres... A peine entonne-t-il son superbe "Santiano..." que les salles chavirent de bonheur... A peine évoque-t-il son "beau cheval blanc" que les larmes perlent aux paupières... Increvable, cet Hugues, lui aussi marié très jeune à celle qu'il aime toujours. Deux filles superbes, maintenant grand père comblé.

Et pourtant, que se passe-t-il en fin d'émission ?
Le gentil Salvatore nous apprend que, oui, il aime sa Nicole plus que tout, qu'il ne la quittera jamais ; mais voilà, on le voit chantant avec une superbe jeune femme brune de 25 ans, sa fille qu'il a eue avec une autre dame, qu'il l'a reconnue à la naissance et qu'il n'y a pas là matière à faire un drame.
Et voilà que Hugues l'impétueux apparaît lui aussi dans les bras d'une magnifique jeune femme brune, sa nouvelle compagne qui lui donne tant d'énergie ! C'est donc çà, sa mystérieuse recette de jouvence... Mais il raconte ce bel amour avec une telle simplicité, tant de délicate humanité qu'il est impossible de lui reprocher quoi que ce soit. Sa femme et lui s'aimeront toujours, ils sont soudés pour l'éternité ; mais il avait besoin... il l'explique avec tant de lucide tendresse qu'on en est tout remué.
Sa blessure à lui est insondable : son frère aîné qu'il admirait tant et qui avait tous les dons pour devenir un immense chanteur, ce frère tant aimé s'est suicidé à 26 ans alors que lui, Hugues, en avait 25. Une plaie béante, définitive. "C'est lui qui devait être chanteur, pas moi, confesse-t-il ; moi, je voulais être sculpteur". Dans la grande salle de séjour de sa maison, partout des têtes sculptées, en bronze, en terre, en plâtre. Le petit garçon au cœur infirme a fini par réaliser son rêve.

Nanette

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