vendredi 9 mars 2012

TUNISIE 2012 : 3 - Ebullition

Emportée par mon élan, je n'ai pas vérifié, hier, l'authenticité des informations concernant l'hymne national tunisien ! Un clic, et hop ! c'était parti... Or il me semble que cet hymne si puissamment porteur ne s'appelle pas exactement "La volonté de vivre" et que son auteur ne soit pas exactement celui que j'ai désigné...Qu'importe : son pouvoir de rassembler tout un peuple avide de démocratie demeure !
Un peuple en ébullition : voilà l'impression générale qui me poursuit. Un peuple en quête d'identité, de dignité. Un peuple asservi par un dictateur et plus encore, peut-être, par sa seconde épouse, Leila Trabelsi, la mauvaise fée du pays. Insidieusement, elle a réussi à tuer l'âme de ce peuple pacifique et attaché aux valeurs familiales : par le biais de séries télévisées médiocres, par la corruption tapie dans les moindres interstices administratifs, par la dégradation des moeurs.
 Aujourd'hui, les Tunisiens ont perdu leurs boussoles traditionnelles. Ballottés entre un laïcisme occidental mal digéré et ne correspondant pas aux valeurs de leur culture traditionnelle et un fanatisme islamiste véhiculé par une poignée de salafistes proches d'Al Quaïda fort bruyants et occupant l'espace public, les Tunisiens dans leur grande majorité sont dans l'attente d'un avenir qu'ils souhaitent démocrate et compatible avec l'islam, la religion du pays inscrite dans la Constitution.
Les années Ben Ali ont laissé béantes des plaies inoubliables : 30 000 personnes dont 500 femmes ont été emprisonnées, torturées, parfois violées, anéanties. Des souffrances non dites, cachées aujourd'hui encore et que la pudeur musulmane n'autorise pas à dévoiler. Chez beaucoup, et notamment chez les femmes, le traumatisme s'apparente aux horreurs subies par les femmes en Bosnie, en Afrique du Sud, en République Démocratique du Congo, au cours de la Shoah aussi. Partout dans le monde. L'heure de la réconciliation est venue, celle de la résilience aussi qui seule permettra de prendre un nouveau départ.
 Parmi les responsables politiques, les élus à l'Assemblée Constituante (sur 89 députés d'Ennahdah, 42 sont des femmes), on sent ce désir profond de sortir de cet enfer destructeur, de revenir à la pureté originelle de l'islam tout en l'adaptant à la modernité et aux principes démocratiques. "Nous vivons nos premiers pas dans tout, vous comprenez ?" m'interroge Fatima, une jeune bénévole d'Ennahdah, ingénieur en informatique et doctorante en robotique dont le père, psychiatre, a passé 17 ans en prison. Pour Monia, une combattante très engagée dans la vie politique, députée, le temps est venu de tourner la page : emprisonnée, torturée, elle a trouvé sa force intérieure dans ces années de souffrances.Mona, elle, la quarantaine, divorcée, ancienne hôtesse de l'air et aujourd'hui chef d'une entreprise de bâtiment qu'elle a créée et qui n'emploie que des hommes, elle prône la sagesse et l'équilibre : "Ni diabolisation, ni angélisme" dit-elle, elle dont le père, journaliste, fit ses études à la Sorbonne en même temps que Jean-Pierre Elkhabach.
Aujourd'hui, la¨Tunisie mérite bien son nom de "mosaïque".
Une mosaïque qui ne demande qu'à se cimenter.

Annette BRIERRE

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