lundi 26 mars 2012

Passion écarlate

Le plan Vigipirate écarlate est levé. La "ville rose" reprend ses couleurs favorites : celle de la violette qui embaume les sous-bois, celle du lilas en boutons dans tous les jardins, celle des fleurs de tulipier aux formes parfaites...
L'écarlate de la Passion, celle que nous nous apprêtons à vivre la semaine prochaine, occupe nos esprits et nos coeurs. Nous venons de vivre l'horreur indicible : l'assassinat d'enfants innocents, de militaires désarmés, d'un père accompagnant ses fils à l'école...
Ici à Toulouse, l'onde de choc n'en finit pas de se propager, sans doute pour longtemps encore. Nous avons été touchés dans nos repères les plus fondamentaux, dans nos valeurs travaillées seul ou collectivement depuis des décennies, dans nos modes de vie quotidiens. Notre regard sur l'autre a brusquement changé ; notre inquiétude latente a soudainement pris corps face à ce déferlement d'images télévisuelles plus violentes les unes que les autres. Nos jugements a priori, sans fondement ni début de preuve, nous ont envahis comme aux pires jours de notre Histoire.
Bien sûr cette folie meurtrière aurait tout aussi bien pu s'exprimer à Lyon, Bordeaux ou Strasbourg. Toulouse ne présente aucun risque particulier tant il est vrai que Mohamed Merah n'est que le produit d'un faisceau de "problèmes" accumulés dès l'enfance et dont les medias ont abondamment rendu compte.
J'ai accompagné, tout au long de ces cinq journées de chaos, une jeune amie journaliste parisienne venue "couvrir l'événement" comme on dit.. Ensemble nous avons vécu tous ces temps forts sur les divers lieux du drame : l'école juive criblée de balles, la grande synagogue pleine à ras bord lundi en fin d'après-midi et d'où personne ne souhaitait partir, la cité des Izards où nous avons rencontré des dizaines de personnes connaissant parfaitement l'assassin depuis toujours, la place du Capitole en état de sidération, mardi matin, avant le dénouement final, les petites rues du quartier de la Côte Pavée remplies de caméras et de journalistes du monde entier, 24 heures sur 24, la caserne Pérignon servant de Q.G. aux autorités pour les conférences de presse, la rue du Sergent Vigné où se terrait le tueur. Comment réagiront-ils au souvenir de l'incroyable fusillade entendue par tous, journalistes et habitants du quartier, qui en ce jeudi 22 mars 2012 à 11 h 17, mit fin au carnage ? De vieux souvenirs vont resurgir pour certains, d'autres auront recours aux antidépresseurs, à la cellule psychologique mise en place à la préfecture "le temps qu'il faudra". D'autres encore préfèreront se murer dans un silence réparateur.
Pour ma part, je reste profondément troublée. Avoir vécu deux semaines auparavant seulement le fol espoir de voir une démocratie apaisée s'installer en Tunisie, en terre musulmane modérée, fière de retrouver son identité et travaillant courageusement à panser ses blessures, m'inspirait une belle espérance en l'humanité. Les événements tragiques de Montauban et de Toulouse renforcent en moi l'impérieuse nécessité, pour l'ensemble des habitants de ce pays, de poursuivre une tâche éducative, politique, sociale, spirituelle.
Le risque zéro n'existe pas dans une démocratie. Faisons en sorte qu'il soit le plus infime possible...

Nanette

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